La grande heure des « navires invisibles » de Thomas Edison
En 1917, une invention de Thomas Edison suscite l'espoir des forces alliées : le « navire invisible », qui pourrait permettre de réduire les dégâts des sous-marins allemands.
Le 11 novembre 1917, un Américain fait la couverture du très populaire supplément illustré du Petit Journal. Il s'agit de l’un des plus grands inventeurs de l’époque, pionnier de l'électricité et du cinéma, découvreur du phonographe ou encore de l'ampoule électrique à incandescence : Thomas Edison.
L'homme vient de mettre au point une nouvelle invention qui intéresse particulièrement le monde maritime en cette période de guerre totale : « le navire invisible ».
Le Petit Journal révèle les détails de cette trouvaille prometteuse :
« Cette invention procède d'une conception très simple : elle consiste uniquement dans un camouflage créant un steamer sans ligne d'horizon ; tout navire peut être rapidement et facilement camouflé, et rendu invisible à une courte distance.
De nombreux navires munis de ce camouflage sont revenus d'Europe sans être aperçus par les sous-marins.
Une dépêche de Washington confirme, de l'autre part, que les épreuves préliminaires du “navire invisible” d'Edison ont eu lieu avec un plein succès, elle exprime l'espoir que son adoption générale paralysera effectivement la piraterie boche. »
Les très redoutés U-Boots, puissants sous-marins allemands, prennent alors régulièrement pour cibles les navires marchands réquisitionnés par l’armée pour transporter armes et munitions, tout autant que la flotte militaire.
Or, comme le rapporte La Dépêche du Berry, l'invention d'Edison est utilisable sur tous les types de navires :
« N'importe quel navire de transport peut être facilement et promptement transformé de manière à répondre aux exigences du nouveau système.
Les mâts doivent être posés de manière qu'ils puissent être facilement couchés à plat. On peut enlever une partie des cheminées de façon que celles-ci soient au niveau du pont, ainsi la ligne de la proue à la poupe est continue. »
Dès novembre 1917, les États-Unis mettent en place de nouvelles règles, élaborées avec Edison, concernant tous les navires de plus de 2 500 tonnes quittant les ports américains pour la zone de guerre, avec un objectif : diminuer le plus possible la visibilité des navires et ainsi réduire les pertes causées par les attaques des sous-marins allemands.
Deux types de procédés sont utilisés, comme le détaille La République française :
« Tantôt on imite le long de la coque des vagues ondulant d’un bleu intense, tantôt les couleurs adoptées sont de teintes atténuées aux contours vagues, tantôt certains flancs de navires ressemblent à des tableaux étranges de l’école cubiste où les lignes s'entrecroisent, et font croire que le bateau est plus long ou plus court, quelquefois qu'il en forme deux, quelquefois que l’avant est l’arrière. [...]
L’autre moyen pour dissimuler le navire consiste en nuages artificiels, mais les nouveaux nuages ne seront pas simplement provoqués par le jet à eau de caisses que le navire transporte sur son pont et qui ne produisent de fumée que dans un secteur étroit. D'après les nouvelles velléités venant d’Amérique, on se servira de bombes à fumée, qui au lieu d’entourer simplement le navire d’un voile d'obscurité, peuvent provoquer un brouillard artificiel, s’étendant à une grande distance et ayant toutes les apparences d’une circonstance atmosphérique. »
Près de 4 500 navires marchands et militaires furent transformés en navires camouflés durant la Première Guerre mondiale. Certes, ces bateaux furent moins touchés que les autres, mais le camouflage entraîna de nombreuses collisions dans les derniers mois du conflit entre bateaux alliés.
Dès la Seconde Guerre mondiale, l’apparition de nouvelles techniques telles que le radar rendirent ce procédé obsolète. À compter des années 1940, il fut définitivement abandonné.