Écho de presse

Après la Grande Guerre, des pèlerinages contre l'oubli

le 06/11/2021 par Marina Bellot
le 09/05/2018 par Marina Bellot - modifié le 06/11/2021
Les enfants déposent des fleurs sur les tombes des soldats au cimetière de Douaumont, 1932, Agence Mondial - source : Gallica-BnF

Dans les années 20 et 30, des élèves de toute la France accomplissent des « pèlerinages patriotiques »​ dans les régions dévastées par la guerre. La presse applaudit l'initiative. 

Ne jamais oublier. Après la Première Guerre mondiale, la visite des champs de bataille, cimetières militaires, monuments commémoratifs et vestiges de villages détruits est un enjeu national.                             

Ce qu'on appelle alors les pèlerinages patriotiques deviennent de véritables remèdes au traumatisme collectif de la Grande Guerre. Pour les proches des soldats décédés, un voyage par an est offert dès 1921. 

Il s'agit aussi de sensibiliser les écoliers, de les exposer aux stigmates de cette guerre dévastatrice et de leur inculquer le sentiment patriotique. En 1920, pendant les vacances scolaires, une quarantaine de départements français inaugurent des pèlerinages de jeunes élèves en les envoyant sur les champs de bataille de la Grande Guerre. 

En 1922, pour pérenniser et généraliser ces « pèlerinages contre l’oubli »,  un « Comité des Visites des Enfants de France aux Régions libérées » est créé à Paris. 

L’initiative est saluée par la presse de tous bords. 

L’Ouest-Éclair applaudit :                    

« Envoyer nos enfants au front, c'est leur enseigner à mieux aimer la France. [...]

Il n'est pas d'initiative plus louable. Qui pourrait nier l'utilité de pareils voyages ?

Comme le disait récemment à l'un de nos confrères parisiens, M. Hector Ghilini. secrétaire général du Comité des Visites, M. Raoul Peret, président de la Chambre des députés 

Celui qui n'a pas vu de ses yeux n'aura jamais qu'une idée imparfaite et incomplète des horreurs de cette guerre ; l'aspect des villes et des villages dévastés, des champs de carnage où subsistent encore les vestiges des combats héroïques, laissera sur le cerveau de l'enfant une empreinte profonde, ineffaçable ; et, dans dix ans, dans quarante ans, celui-ci parvenu à l'âge d'homme ou à la vieillesse, se souviendra. » 

Plus qu'un devoir, ces pèlerinages sont perçus comme un privilège. Ainsi, poursuit L’Ouest-Éclair :

« Les enfants seraient choisis parmi les écoliers dont les familles n'ont pas les moyens financiers et qui auront été de bons élèves.

En somme, c'est un prix d'excellence à ces jeunes écoliers, garçons et filles. »

En mai, des groupes d'élèves de plusieurs lycées parisiens se rendent aux champs de bataille de l'Ourcq et de l'Aisne. 

En juillet, ce sont des élèves des écoles commerciales de Paris qui accomplissent un pélerinage patriotique :

« La chambre de commerce de Paris a envoyé un premier groupe de jeunes gens et de jeunes filles des écoles commerciales recueillir, sur la ligne des deux Marne, la leçon du souvenir, avec pour mission de reposer au bois Belleau un hommage de reconnaissance sur les tombes des premiers Américains tombés sur le sol de France pour la cause du droit. »

L’expérience est étendue aux écoliers anglais. Pour la Pentecôte 1923, ils sont trois cent cinquante Londoniens, âgés de treize à quinze ans, à rendre visite aux villages dévastés de l'ancien front français, comme s'en réjouit Le Petit Parisien : 

« Ils ont fait la visite des principaux monuments de la rive droite. [...]

Aujourd'hui, avant de partir pour Versailles, ils iront déposer une palme sur la tombe du Soldat inconnu et seront reçus à l'Hôtel de Ville. »

« Il est à souhaiter qu’elle ne s'interrompe jamais, la chaîne qui relie ainsi constamment le front au reste du pays. Car tant que les Français iront, nombreux, prier sur la tombe des morts on pourra dire que les leçons de la guerre ne seront pas perdues », écrivait un ancien combattant en 1921.

De fait, le tourisme mémoriel ne cessera de se développer en France dans l’entre-deux-guerres, puis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. D'abord à vocation historique, il aura aussi pour ambition de valoriser les lieux de mémoire sur un plan culturel et patrimonial, mais également économique. 

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