1918 : La rentrée scolaire « de la victoire »
Alors que les Alliés ont repris espoir sur le front, les élèves français reprennent le chemin de l'école dans un climat de confiance, après quatre années d'une guerre qui les a profondément marqués.
À la veille de la Première Guerre mondiale, le ministre de l’Instruction publique Albert Sarraut déclarait, dans une circulaire adressée aux recteurs :
« C’est l’école qui, par son enseignement, contribuera à distribuer à la France toutes les vérités dont le pays a besoin dans le grand conflit où il est engagé. [...]
Je désire que le jour de la rentrée, dans chaque classe, la première parole du maître aux élèves hausse le cœur vers la patrie, et que sa première leçon honore la lutte sacrée où nos armées sont engagées. »
De fait, pendant quatre longues années, la guerre s’est profondément immiscée dans la vie des écoliers.
Les élèves ont étudié des cartes représentant ce que l'on nomme alors le « théâtre des opérations ». Ils ont rédigé des compositions aux accents patriotiques. Ils ont passé des heures de classe à confectionner des vêtements pour les soldats. Et ils ont, pour certains, vu leurs écoles détruites par les bombardements.
En août 1918, à la veille de la cinquième rentrée des classes en temps de guerre, les Alliés ont pour la première fois repris espoir de voir l'issue du conflit proche et victorieuse, grâce notamment à la bataille d'Amiens qui a permis de sauver Paris des velléités de destructions allemandes, et retourné la situation à leur profit.
La rentrée de 1918 a donc une saveur toute particulière.
Ainsi Le Petit Parisien se réjouit-il de cette rentrée qui s'annonce enfin « normale » :
« L'administration de l'instruction publique estime que, pour la première fois depuis trois ans, la rentrée scolaire s'annonce, cette année, comme à peu près normale : le nombre des lycées, collèges, écoles normales ou primaires encore occupés par l'administration militaire diminue de plus en plus et les inscriptions d'élèves augmentent.
Quant au personnel enseignant masculin, il reste stationnaire pour le moment, le ministre de la Guerre s'étant formellement refusé à accorder de nouveaux sursis d'appel en faveur des professeurs et des instituteurs mobilisés. »
Le quotidien de centre-gauche Le Radical va plus loin encore en célébrant la « rentrée de la victoire » :
« Une autre conséquence des brillants combats livrés par les armées alliées, c'est la façon normale dont s'effectue la rentrée scolaire cette année : les écoles rouvrent dans des régions naguère occupées par l'ennemi, les maîtres et maîtresses réfugiés regagnent leurs anciens postes, le nombre des établissements d'enseignement réquisitionnés par l'autorité militaire diminue, presque toutes les colonies scolaires parisiennes ont réintégré la capitale, les demandes d'admission dans les écoles vont croissant.
Excellents indices !
La rentrée d'aujourd'hui est la rentrée de la victoire. »
Quant aux élèves, profondément atteints par des années de peur, de restrictions et de deuil, comment vivent-ils cette rentrée, s'interroge un journaliste de La Presse, qui va à leur rencontre, à Paris :
« Alors, demandai-je à la ribambelle de petits diables qui m'entourait, on n'est donc point triste d'avoir repris le collier ?
J'avais déchaîné le torrent :
– Dame, m'sieu, c'était plus amusant de ramasser les javelles et de rassembler les gerbes ! »
– Moi, j'ai pêché tout le temps dans une vraie barque avec des vieux pêcheurs... C’est chic !
– Moi, j'ai fait que de la bécane ! [...]
— Dis donc, Pierre, t'as lu ce qu'il disait ce journaliste boche, que si on détruisait Paris, personne n'y perdrait rien ! Père m'a fait voir ça, il y a quelque temps... Ah ! tu sais, j'en aurais pleuré de rage ! Dites, m'sieur, vous savez bien ce que je veux dire ? Comme si y avait deux Paris au monde ! »
Et le journaliste de se faire l'écho la confiance nouvelle de ces jeunes Parisiens tout juste remis de l'angoisse de voir la capitale détruite :
« Quoi qu'il en soit le plus petit mioche sait qu'il y a la guerre et ce que c'est que la guerre. Il a connu l'angoisse de sa maman, il a vu ses larmes.
Celui-ci n'ignore point pourquoi, certains jours, on l'a vêtu de noir, et celui-là se rend compte que l'aube se lève de la grande délivrance, [...] sourit à présent, et se frotte les mains... Ça va, ça va ! On les aura ! »
Comme on le sait, les Alliés remporteront, à compter de cette rentrée des classes, une série de victoires décisives qui conduiront à la défaite définitive de l'armée allemande et à l'armistice du 11 novembre 1918.
Celui-ci sera solennellement célébré dans toutes les écoles de la République.