Extrait du journal

Lord Bearland, sen pistolet armé à la main, dit encore à Dénouai. — J’ai toujours passé, moi, le long de l’autre côté. — Avec le jusant, j’aime mieux ce bord-ci. Mais l’autre vous plaît davantage ? Allons ! mettez-moi seulement plus de toile dehors ! car le courant va être plus dur, à refouler. Le pilote répondit ainsi d’un ton simple, sans laisser percer la moindre émotion, et comme si la défiance de lord Bearland lui était souverainement indifférente. Loïza, tremblante, s’appuyait sur son frère Hoël, qui ne parvenait point à imiter le sang-froid tenace de son père. « Le capitaine de la Warfare n'hésita point à se cbargêr de toile. Sur toute la ligne, les vaisseaux augmentèrent leur voilure. — La frégate filait dix nœuds pleins ; la brise fraî chissait. Alors maître Dénouai fit mettre la barre à tribord comme pour traverser le goulet. — Attention ! s’écria encore lord Bearland, nous devons être bien près des roches désignées sur ma carte sous le nom de Fillettes. — Lee roches me connaissent ! repartit le pilote ! Malgré la nuit et les brouillards, on aperçut presque aussitôt sur la gauche une ligne d’écume qui annonçait les brisants à fleur d’eau. Une minute s’écoula ensuite dans un profond silence. Lord Bearland frémissait. Dénouai, maître de lui, mais impérieux et fier, était, à celte heure, tel, qu’à bord du Raphaël pendant ses grandes manœuvre de nuit. Hoël avait placé sa sœur sur l'affût d’un canon, et la soutenait encore ; un feu sombre brillait dans ses yeux. Quiconque l’eût observé en ce moment aurait compris qu’une catastrophe était certaine....