Extrait du journal

XVII (suite). Figurez-vous les sensations d’un capitaine de fré gate se défendant contre des forces bien supérieures, lorsqu’il aperçoit un grand vaisseau de ligne, avec le pavillon anglais hissé au grand mât , arrivant à travers la fumée, et tombant à l’improviste sur l’arrière de l’ennemi; ou celle d un commandant d’un poste indéfendable lorsque les premières baïon nettes d’un corps qui vient à son secours brillent sur la crête de la montagne, et vous aurez une idée du bonheur d’IIarvy quand, en se retournant, il vit Keene arriver rapidement près d’eux. Ce qu’il ressen tit de joie en cédant son poste à Royston se lisait si naïvement sur sa figure, que ce dernier ne put ré primer un sourire ; mais il y avait peu de gaieté dans sa voix quand il s’adressa à Fanny — elle ne l’avait jamais entendu lui parler si doucement et si grave ment : — — Je sais que vous en voulez à votre mari aussi bien qu’à moi de vous avoir si longtemps caché ce mystère. Mais je dois obtenir son pardon, quand bien même le mien me serait refusé. Il ne pouvait vous en dire un mot sans manquer à une promesse qu’il m’avait faite depuis des années ; l’eût-il fait, malgré l’excuse d’une forte tentation, il aurait perdu tout à fait ma confiance. Ah! je vois que déjà vous lui avez rendu justice : c’est bien à vous. Mainteuant je puis à peine vous dire pourquoi je ne vous ai pas initiée à mon secret dès que je vous ai bien connue ; liai vous racontera cela, et vous verrez que, pour une fois, on m’a fait plus de mal que je n’en ai fait. Si je me suis tu, ce n’est donc pas dans la crainte que vous prissiez une plus mauvaise opinion de moi. Mais peut-être la dernière chose qu’un homme aime à confier est-elle sa plus grande folie, surtout s’il en...