Extrait du journal

— Moi, dit celui-là , je suis l’homme des économies , je supprime les charges du gouvernement, les emplois salariés, la magistrature, l'armée , je supprime tout. — Et moi, donc ! non-seulement j’anéantis les dépenses , mais je double les recettes. J’anéantis tous les impôts et je donne au gouvernement quatre milliards de revenus. — Pourquoi faire, alors ? demande un curieux. — Vous ôtes un aristocrate ! s’écrie le candidat. A la porte, l’aristocrate ! — Moi je suis l’homme de l’Instruction publique. Plus de collèges, plus d’écoles. J’ai un système pour que les enfans apprennent sans maîtres et sa chent tout à l’âge dé sept ans. — Nommez-mol, et je m’engage à ce que d’ici à un an il n’y ait plus en France ni pauvres , ni gens à leur aise. On nagera dans une opulence générale. — Avez-vous entendu parler du paradis terrestre? Eh bien ! ce sera l’i mage de la France si vous m’envoyez à l’Assemblée nationale. — Moi représentant, tous les Français seront riches. — Avec moi, ils seront tous unis, heureux, ivres de joie. — Avec moi, ils se porteront toujours bien. — Avec moi ils seront tous beaux, spirituels et éternellement jeunes. Que ne promet-on pas? Les faiseurs de miracles foisonnent. A les en tendre , Ils ont tous consacré leur vie entière à la recherche de l’absolu , dans la prévision des événemens qui sont arrivés. Tous ces aventuriers qui veulent se glisser au milieu des sérieux et honorables candidats ont tous attendu , rêvé, préparé la République, objet de leurs vœux constants et de leurs efforts Infatigables. Les vrais républicains de la veille sont dépassés par ceux qui se disent de l’avant-veille, et ces derniers par les républicains qui le sont depuis leur naissance. Ceci n’est pas exagéré ; — d'ailleurs, comment exagérer les réalités d’aujourd’hui ! — Un républicain dont l’ancienneté des convictions était révoquée en doute, répondit dans un club , en dépliant un papier : — Vous en doutez ? eh bien! voyez mon acte de naissance: — Né le 14 vendémiaire an VII, — Vendémiaire ! j’espère que c’est républicain , cela; et sur un acte de l’état civil, encore, avec la signature de l'officier municipal. Tout le monde n’a pas d’aussi bonnes preuves à l’étonnement que provo quent les professions de principes un peu trop hasardées. Il est si naturel d’être devenu républicain avec la République, qu’on doit être fort surpris de voir tant de gens antidater leur opinion et se donner tant de mal pour mentir à leur passé. La formule ordinaire est celle-ci : — Mon cher ami, mon cher confrère , mon cher concitoyen , je viens vous demander de porter mon nom sur votre bulletin électoral, Vous savez que j’ai toujours été républicain....