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Journal des débats politiques et littéraires, 1 juin 1839

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Journal des débats politiques et littéraires
1 juin 1839


Extrait du journal

«Le pacha , dit cette note, sa repose toujours sur les bonnes intentions des quatre puissances à son égard. Il regretta de les voir maintenant opposées à ses vues ; mais il leur prédit que le temps n'est pas éloigné où elles changeront d'opinion. » Il espère d'ailleurs que la question de l'hérédité sera favorablement résolue. Il s'en contentera si elle est terminée à l'amiable et par la voie des négociations ; mais s'il ne peut y réussir, et s'il est forcé d'avoir re cours aux armes, alors il proclamera non seulement l'hérédité , mais l'entière indépendance de l'Egypte. Il est fermement décidé à ne pas se laisser livrer à la Porte par les puissances européennes. I! est vieux, ci peut-être n'a-t-il rien de mieux à faire que de succom ber honorablement dans la lutte,, plutôt que do laisser au hasard des événemens sa famille, ses serviteurs et tout ce peuple qui a tant travaillé pour lui. Il a, dans sa vie, été obligé de répandre bien du sang pour faire ce qu'il a fait, pour obtenir ce qu'il possède ; il ne veut pas non plus que ce sang ait coulé en vain. » D'ailleurs, ses vues s'accordent avec les intérêts et la politique de l'Europe. Pourquoi donc le sacrifier ? Il n'est pas de leur religion, mais il est homme aussi, et on doit le traiter humainement, c'est-à dire, souffrir qu'il songe à la destinée de ses enfaas dont il veut af fermir la fortune. » Si les grandes puissances n'approuvent pas ces rai sons , si elles ne veulent donner aucune garantie à la stabilité de l'état de choses existant en Egypte, si on le réduit à ne plus prendre conseil que de lui-même, il est décidé a sacrifier ce qui lui reste do vie et de force pour finir une incertitude qui lui est insupportable, parce qu'elle pèse surtout sur ses esfans. » Il sait bien du reste que, si les puissances sont d'ac cord pour l'accabler, il succombera ; mais elles sont à un tel degré de grandeur qu'une pareille viêtoire n'ajoutera rien à leur renommée, et que les suites mêmes de cette victoire pourront les embarrasser. Quant à lui, il a quatre-vingt-quinze chances contre, et cinq pour lui ; mais n'importe ! Ala guerre les dés sont toujours in certains, et si le hasard les fait tourner en sa faveur, il laisse aux puissances le soin de juger des conséquences d'une victoire que personne n'aura plus le droit de mo dérer. » Après cette ferme et énergique réponse, au moment où l'on croyait que la querelle allait s'engager vivement, Mehemet-Àli prît tout à coup une singulière résolution : il annonça qu'il partait pour le Sennaar, qu'il allait dans le Fozagfo, entre le 10* et le 11° degré de latitude , faire exploiter les mines d'or de Fachiaugora : « Et si je reviens avec beaucoup d'or, disait-il au consul de France, à quoi me servira celui de l'Europe? Qu'est-ce que j'aurai besoin de votre commerce? Qu'est-ce que j aurai a craindre de votre blocus? Je pourrai me passer de vous tous. » Celte résolution surprit tout le monde. Un vieillard do soixantg-dix ans aller sous la zone tor ridé, quitter sa famille, sort palais, tourner le dos à l'Europe au moment où il s'agit de proclamer l'indépen dance de l'Egypte, malgré loola l'Europe ; faire cinq cents lieues, atfrontér les fatigues du voyage et da cli mat ; laisser l'Egypte à tous les hasards de son absence, tout cela pour aller chercher de l'or! Quelle sioguliére entreprise l II y avait du turc sans doute dans cet"amour de grossir sou trésor, car les trésors sont encore un des usages de l'Orient ; mais c'était d'un Turc qui con naît le divan de Constaatnioplc, et qui sait que s'il a beaucoup d'or à répandre il pourra obtenir l'hérédité qu'il veut avoir. Il y avait aussi de l'homme d'Etat ha bile et ferme dans cette brusque résolution de voyage. Il laissait derrière lui sa déclaration d'indépendance immuable, immobile, intacte; il échappait à toutes les conversations et à toutes les transactions diplomatiques. Sa volonté gagnait à son absence. Présent, il lui eût fallu sans cesse la répéter , la falsifier, la commenter avec les consuls. Absent, il lai conservait toute sa force. Pendant son voyage, la diplomatie européenne s'habi-...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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