Extrait du journal

Il a été donné à la France, après les dés astrés de la guerre et de la Commune, de respirer pendant dix-huit mois. Dans ce court espace de temps elle a restauré son crédit, avancé l'œuvre de la libération du territoire ; elle a vécu, elle a travaillé ; l'ordre a été rétabli et maintenu. Si sa con valescence a été préservée de commotions qui pouvaient lui être mortelles, à quoi le doit-elle? A la parole de M. Thiers. M. Thiers est un grand patriote , il in spire confiance à l'Europe comme à son pays ; c'est un administrateur expérimenté et d'une activité prodigieuse ; mais toutes ces qualités n'auraient pas suffi : c'est par la parole surtout qu'il a gouverné. Nous assistons sans cesse, depuis dix-huit mois, à des commencemens et des recommence mens de crise entre l'Assemblée et le pou voir exécutif; si jusqu'à présent ces crises ont été conjurées , n'est-ce pas grâce à la parole de M. Thiers , qui apportait à la tribune la lumière et la persuasion? Quand il cédait, ce qui lui est arrivé plus sou vent qu'on ne dit, il le faisait si habile ment que son autorité n'en était pas affai blie ; quand il ne cédait pas, l'Assemblée trouvait dans son discours une foule de raisons honnêtes pour se ranger à son avis. Nous ne disons pas que M. Thiers, dans telle question économique ou autre, ait toujours eu raison; mais ce qui était es sentiel, et ce qu'a obtenu M. Thiers sans autre moyen que sa parole, c'est que les deux pouvoirs continuassent à faire ménage ensemble; c'était l'essentiel, puisque, d'une part, on ne peut pas remplacer M. Thiers, et que, d'autre part, l'Assemblée ne veut pas s'en aller. Certes, nous admirons les grands hom mes d'Etat anglais, ces chefs de cabinet qui ont tant d'autorité sur le parlement ; mai? quelle différence! En Angleterre, le gouvernement, quoique issu de la Chambre, a le droit de la dissoudre. Les deux PQu voirs ont un intérêt commun à éviter cette extrémité ; mais s'ils ne réussissent pas à s'enténdre, le gouvernement peut en appe ler a la nation. C'est une crise, direz vous ; non, c'est la fin de la crise. Si l'Assemblée nouvelle est hostile au ministère, celui-ci se retire; si elle lui est favorable, il se trouve raffermi. Dans un cas comme dans l'autre, la crise est terminée. Croire que l'dn peut régler la marche des deux pouvoirs comme on règle une pendule et prévenir leurs conflits par une délimitation méticuleuse de leurs droits respectifs, les Anglais n'en ont garde, -leur esprit pratique ne cherche pas cette chimère. Mais ils considèrent qu'entre par ticuliers on n'a trquvé qu'un moyen assuré de résoudre les litiges ; l'intervention d'un tiers, pris pouf juge ou arbitre. De ces deux particuliers, lequel a raison"? celui auquel le juge ou l'arbitre donnera raison. Du pouvoir exécutif ou du pouvoir légis latif, quand ils ne s'accordent plus, qui a raison? celui auquel le pays, consulté, donnera raison. C'est ce qui fait la sé curité des Anglais. Quels que soient les orages parlementaires, ni les esprits ni les affaires n'en sentent le contre-coup et n'en éprouvent d'inquiétude. Le droit de dissolution est là; la nation prononcera....