Extrait du journal
lence. « J'estime, â-t-il dit, qu'au seuil de ces dé bats nous crevons nous montrer bienveillants, tolérants, indulgents. Quand nous aurons fait preuve de longanimité, nous n'en serons que plus autorisés à réprimer sévèrement tous les écarts qui viendraient à se produire... N'ayons pas l'oreille trop sensible. Oublions ces inci dents qui ne se renouvelleront pas. J'oublie pour ma part, et je suis sûr de répondre au sentiment de la haute Cour en no réquérant pas contre les personnes arrêtées. Soyons calmes, soyons modérés, soyons justes ! » Cette douce éloquence a été, au moins pour le moment, persuasive. Me Falateuf, au nom de la défense, a remercié M. le procureur général et s'est naturellement associé au vœu qu'il venait de former. Il n'est pas jusqu'à M. Déroulède qui s'est écrié : « Tout le monde ici doit garder le silence. Respect aux accusés ! -Respect au président du tribunal ! » Et tout s'est terminé par une sorte de baiser Lamou 'rette dont l'effet a été rassérénant et réconfor tant. M. Fallières n'avait plus qu'à faire re mettre en liberté les deux témoins arrêtés. Alors le silence s'est fait et la haute Cour a pu écouter avec une.attention recueillie l'éloquente plaidoirie de M" Devin. Mais nous ne sommes pas sûrs que ce résultat soit dû à la magnani mité de M. le procureur général, et peut-être vient-il seulement de ce que, l'appel nominal étant terminé, tous les témoins s'étaient reti rés. Ils ont continué de manifester en s'en allant, et l'un d'eux a été quefque peu mal mené parce que, porteur d'Un revolver, il me naçait de s'en servir. Tout cela promet à la haute Cour des jours pleins d'émotion, et, à mesure qu'ils se succé deront, elle se demandera si ceprocès était bien nécessaire. Nous doutons fort que, au moment où il se terminera, elle sache beaucoup de gré au ministère de l'y avoir condamnée. Son pres tige n'en sera certainement pas accru. Il dé pend d'elle, à la vérité, d'éloigner ce calice de ses lèvres, et de se ranger à l'argumentation de M" Devin qui lui a démontré son incompétence en matière de complot. Mais le fera-t-elle? Si elle ne le fait pas, elle sortira de cette épreuve mécontente du gouvernement, mécontente d'elle-même, mécontente de son arrêt, quel qu'il soit. Et nous craignons que, dans le for de sa conscience, elle n'ait même pas la conso lation de croire avoir sauvé la République. La rigueur d'une sentence finale, dont la légiti mité restera douteuse, fera safis doute moins dé bien à la Républiqne que ne lui fera de mal le scandale quotidien dont nous sommes me nacés. Mais on connaît notre sentiment sur cette affaire, et nous n'y reviendrons pas pour le moment. Quelque opinion qu'on ait d'ailleurs à ce sujet, la haute Cour doit employer tous les moyens dont elle dispose pour se faire respec ter, et, si la « longanimité » de M. le procureur général n'y suffit pas, il faudra bien recourir à d'autres procédés. En somme, ce n'est pas la faute de la haute Cour si ce procès a été porté devant elle, et, si on blâme le ministère de l'a voir intenté fort inutilement, la responsabilité lui en revient tout entière; la haute Cour n'y a aucune part ; elle a seulement un devoir à remplir. Rien n'autorise à croire, jusqu'ici, qu'elle ne le remplira pas consciencieuse ment. Mais il est clair qu'un certain nombre de témoins sont venus hier et reviendront sans doute demain à l'audience avec une toute autre intention que de répondre simplement aux questions qu'on leur posera. On apu voir déjà que, d'après leur humeur et leur caractère, ils sont résolus à se livrer à tous les genres de manifestations, depuis la simple gaminerie jusqu'à l'incident mélo-dramatique. La part faite, hier, à l'indulgence a été très grande, et il faudra toujours lui en faire une : toutefois, certains écarts ne sauraient être tolérés. C'est l'intérêt des accusés eux-mêmes , et ceux qui, comme M. Déroulède, ont le senti ment de leur propre dignité ont montré qu'ils savaient respecter aussi celle des au tres. Ce procès, à notre avis regrettable, n'en est pas moins une chose sérieuse, et s'il y a des témoins qui ont formé le projet de le faire dé générer en un spectacle de la foire, on ne sau-...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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