Extrait du journal

Le peuple français est foncièrement gé néreux. On l'a souvent constaté pendant la guerre : que de fois le soldat français a partagé son pain avec le prisonnier alle mand ! On le voit aujourd'hui où, de tous côtés, affluent chez nous les étrangers. Avec quelle facilité nous les accueillons, sans nous préoccuper ni de leurs moyens d'existence, comme le font les Anglais avant d'accorder l'accès sur leur territoire, ni de leurs antécédents ! Convaincus de la richesse de la France, nous partageons avec plaisir les produits de notre belle terre. Une réelle grandeur d'âme, une vraie bonté dictent notre conduite ; et il y a lieu d'approuver ces dispositions naturelles qui, tout en répondant à notre sensibilité, contribuent à donner à notre pays la répu tation d'une nation libérale et généreuse. On pourrait ajouter même que le calcul n'est pas mauvais, et que, si l'on voulait le rattacher à une conception politique, il serait d'une utilité incontestable. Si un être généreux réfléchit, s'il ana lyse les conséquences de sa conduite, il ne doit pas compter sur la reconnaissance, qui est rare, mais il peut espérer créer danp l'avenir une émulation qui ne lui sera pas nuisible. Dans un groupe d'amis ad mettant le dévouement et les sentiments nobles, et auxquels il aura donné l'exem ple, il rencontrera une atmosphère favora ble et stimulante. Quoique opérant avec moins de rapidité que le mal, le bien est contagieux. Ainsi la générosité produit des fruits, et ce n'est pas manquer à l'instinct de conservation que de s'adonner à l'al truisme. Individuellement, la question est résolue, mais en est-il de même de la générosité collective? Si nous regardons en arrière, nous voyons que souvent nous avons fait la guerre pour le triomphe d'une idée plu tôt que pour effectuer une conquête, et que nous n'avons pas toujours eu à nous en louer. Quel sera le résultat de la générosité collective lorsqu'elle a pris naissance dans une doctrine, ou dans un engoue-...