PRÉCÉDENT

Journal des débats politiques et littéraires, 21 mai 1844

SUIVANT

URL invalide

Journal des débats politiques et littéraires
21 mai 1844


Extrait du journal

PARIS, 20 MAI. La Chambre des Pairs a volé aujourd'hui les derniers articles du projet de loi, relatifs aux pénalités. Un amendement présenté par MM. Franck-Carré, Boullet et Bourdeau, a soulevé de très graves questions , et a donné lieu à de longs et intéressans débats. Dans les cas qui peuvent nécessiter une répression sévère , le projet de loi, qui frappe justement l'inconduite ou l'immoralité personnelle des maîtres, semble avoir oublié de prévoir et de punir l'immoralité même de l'enseignement ou son caractère séditieux. M. Cousin l'a pourtant fait remarquer avec raison : autre chose est l'immora lité du maître, autre chose est l'immoralité de l'enseignement. Cette distinction acquiert plus d'im portance si l'on songe que le projet de loi confie aux tribunaux l'application des peines disciplinai res. Devant les tribunaux, c'est l'intention qui cons titua la criminalité, et l'expérience ne nous a-t-elle pas appris que les doctrines les plus contraires à la morale universelle peuvent être professées avec les intentions les meilleures du monde? Sur ce point, au surplus, la commission n'a pas fait de grandes difficultés aux au teurs de l'amendement, et après quelque débat on est fombé d'accord sur une rédaction nouvelle, proposée par M. Yillemain, et qui substitue aux termes du pro jet de loi : En cas d'inconduite et d'immoralité, ceux-ci : En cas d'immoralité dans la conduite ou dans renseigne ment. Mais il y a quelque chose de plus à craindre peut être qu'un enseignement immoral : c'est un enseigne ment contraire aux lois de l'Etat. On peut s'en rappor ter aux pères de famille pour faire justice d'un ensei gnement immoral. Les communistes et les travailleurs egalitaires forment des sociétés secrètes ; ils n'en sont pas encore à fonder des collèges. Qui ne sait, au con traire , qu'un enseignement hostile aux lois de l'Etat et à notre Constitution serait un puissant attrait pour cer tains partis, et un moyen sûr d'achalander les maisons soustraites au régime de l'Université? Et pourquoi donc le parti légitimiste, par exemple, demande-t-il avec tant d'ensemble et de chaleur la liberté illimitée de l'enseigne ment? Toute la question est de savoir si une écple privée peut être considérée comme un lieu publjc.Danscecas, le délit est prévu et puni par le droit commun. Ce qui se dit dans une classe ou dans la cour d'une pension , de vant des élèves de septième et des enfans de douze ans, peut être assimilé à un discours séditieux fait sur une borne au milieu de la rue. L'affaire est du ressort des tribunaux criminels et dé la Cour d'assises. Le maître , coupable d'enseignement séditieux, sera traduit de tant la justice; ses élèves comparaîtront comme témoins ; débats, plaidoiries , jugement, tout se pas sera en audience publique ; et, quelle que soit l'is sue du procès, acquittement ou condamnation, le scandale sera immense ! Encore faut-il savoir, comme nous l'avons dit, si une école est un lieu public, surtout une école indépendante, une institution pri vée qui ne relève que de son chef ! La commis sion l'a pensé, et c'est pour cela qu'elle n'a pas cfu nécessaire de prévoir un cas qui rentre, selon elle, dans le droit commun. M. le garde des sceaux est du même avis. La question n'en a pas moins paru très douteuse aux auteurs de l'amendement, qui sont aussi de graves magistrats et de savans jurisconsultes, et la Chambre elle-même, sentant combien il serait dan gereux de laisser un pareil point indécis dans la loi, a renvoyé l'article à la commission. Pour nous, une autre considération, indiquée par M. le président Frank-Carré , nous touche plus vive ment que la question de savoir si une école est ou non un lieu public. Nous ne comprenons pas trop comment on assimilerait une classe d'enfans à un carrefour, et un enseignement qui se donne de mille façons à un dis cours5 de démagogue ou de tribun séditieux. Ce n'est pas un délit que les auteurs de l'amendement ont voulu...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

En savoir plus
Données de classification
  • w. jeffs
  • alais
  • boullet
  • constantin
  • favard
  • bourguignon
  • theret
  • cosson
  • grohé
  • boucherie
  • guyane
  • france
  • angleterre
  • verdun
  • rome
  • paris
  • antilles
  • finistère
  • orléans
  • boyer
  • chambre des pairs