Extrait du journal
J'aperçus le baron Bar. Il filait du pas le plus résolu que lui permît son âge. Il me fit bonjour de la main et cria sans s'arrê ter : « Je vais voir la femme décolletée. » Et. il s'évanouit comme une ombre, dans le brouillard. Je demeurai confondu. Par un sentiment juste et délicat de décence, les femmes ont recouvert,dans cette grande épreuve, leurs bras et leurs épaules. Comme la première femme après le premier péché, elles se sont aperçues soudain qu'elles étaient nues. Elles en ont conçu de la honte, et refermant leurs voiles hermétiques, elles ont dit : « Après la paix. » Même dans le seul café-concert qui reste ouvert, les chanteuses, accoutumées à une certaine prodigalité de leurs personnes, restent vê tues comme des matrones. Après cent pas, je rencontrai un amateur de théâtre. Il me confia : «Je vais voir la femme décolletée. »Et il me confia qu'il-y « a dans un des restaurants les plus connus du boulevard, vers six heures, une belle personne qui venait prendre une tasse de thé, vêtue d'une robe du (soir. Tout Paris, désaccoutumé de ces toilettes, venait voir celle-ci avec curiosité. Nous entrâmes. N'allez pas vous imagi ner une de ces toilettes qu'on voyait aux répétitions ou à l'Opéra, un de ces nuages I de gaze que le couturier apportait sur le bout du doigt, et qui, par des artifices com pliqués, voilaient en dévoilant, décou vraient d'autant plus qu'elles recouvraient mieux et suspendaient heureusement leurs lignes légères à l'ouvrage de' la nature. Je ne vis qu'une honnête robe de ville, qui avait été ouverte en pointe, assez libérale ment il est vrai, et qui laissait voir un dé colletage en pleine pâte. Cependant, la salle était comble. On ne regardait pas trop. On était seulement scandalisé avec plaisir. Au plus près de l,a table qui causait cette rumeur, nous vîmes un grand journal déployé, qui cachait quel qu'un. C'était le baron Bar : « Eh bien, lui dis-je, voici la vie qui renait. Il y a eu hier un crime à la Villçtte, et les femmes s'ha- : billent de nouveau. »...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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