Extrait du journal

Ce n'était pas là, il faut encore le répéter, la pre mière impression de la gauche. Les chefs de toutes les nuances de l'Opposition avaient reconnu la nécessité de voter la loi dans l'intérêt public et dans le leur. La gauche avait eu un moment de courage ; elle avait no blement partagé la douleur et les alarmes du pays ; elle s'était séparée avec une vigueur inaccoutumée des partis hostiles à la monarchie de Juillet; la consterna tion et la colère éclataient dans le'câmp des, radicaux qui se voyaient exposés à être réduits à leurs quinze ou vingt vois;. Nous mêmes nous avions, fait la partie belle à la gauche ; nous avions loyalement écarté toute question et tout intérêt ministériel. Le "vote n'aurait été utile qu'à' la monarchie, et la gauche en aurait eu l'honneur! Mais voilà que desoqrds murmures s'élèvent dans les rangs infimes du parti ! Est-ce que M. Odilon Bairrot et M. Thiers prétendent nous imposer leur opi nion et leur tactique? Aspireraient-ils, par hasard, à de venir ministres? S'ils veulent rester nos chefs, qu'ils commencent par être nos très humbles serviteurs ! Ou plutôt nous n'avons pas de chefs , nous ne voulons pas en avoir. Qu'importe la supériorité du talent ? Le droit est égal. S'ils sont des orateurs plus habiles que nous, nous sommes députés autant qu'eux 1 Et aussitôt des coteries se forment. La médiocrité crie et s'agite , les petites ambitions se coalisent contre les grandes, M. Thiers a tenu bon ; M. Odilon Barrot a cédé. Il est •arrivé ce qui arrivera toujours, nous le prédisons. Dans les grandes circonstances, la gauche échappera à ceux qui prétendent la discipliner et en faire un instrument de gouvernement. Elle n'est bonne que pour la des truction; ce mot même est trop fort, disons pour la tracasserie. On peut compter sur elle pour gêner la marche des affaires, pour affaiblir le pouvoir; mais pour le soutenir et le fortifier, jamais ! Elle se ferait de l'opposition à elle-même plutôt que de n'en pas faire ! Elle renverserait ses propres chefs plutôt que de ne rien renverser! Le bon sens et la politique disaient de voter la loi ; l'intérêt de parti le conseillait autant que l'intérêt de là monarchie ; mais qùôi! laisser passer une si grande loi sans faire de l'opposition ! c'était impossi ble, et la gauche a mieux aimé voir se séparer d'elle quiconque a parfois un peu d'esprit politique, elle a mieux: aimé être réduite dès cette première session à une minorité de 94 voix ! Grande leçon pour ceux qui auraient encore l'envie de placer sur la gauche leur avenir ou .celui du pays ! Jamais un parti n'a eu une plus.belleet une meilleure occasion de s'élever jusqu'à la hauteur d'un parti vrai ment politique. Les adversaires même de la gauche lui offraient, lui cédaient cette occasion..C'était le mo ment de se concilier tout-à-fait l'opinion publique en rendant un signalé service à la monarchie et à la France : la gauche n'a vu que le petit côté d'une grande affaire ; elle est retombée dans son système de tracas serie après un court effort ppiïr en sortir ; elle.a forcé ses meilleurs auxiliaires à parler et à voter contre elle; elle a rejeté une loi nécessaire et bonne, de peur que dans cent ans d'ici il n'y eût quelque chose à ajouter ou à changer à cette loi ; elle était entrée dans ce débat avec une position magnifique, elle en sort après avoir donné une nouvelle preuve de son incurable stérilité et avèc unë minorité de 94 voix"!...