Extrait du journal

La discussion générale sur le budget de 1903, très brillante par le talent de plusieurs des ora teurs qui y ont participé et par les observations sur la politique extérieure ou intérieure qu'ils ont émises, ne s'est guère appesantie sur les phénomènes financiers proprement dits. Que le déficit du budget précédent, celui de ,1902; soit très considérable, qu'il ne puisse être évalué à moins de 200 millions, du fait de 89 millions de moins-values d'impôts, de 64 mil lions d'obligations sexennaires émises pour des dépenses d'un caractère ordinaire et normal, et enfin, quant au reste du déficit, du chef de l'ex cédent, encore inconnu, des crédits supplémen taires sur les annulations de crédits en fin d'exercice, c'est ce que personne n'ignore. Que, d'autre part, malgré l'amélioration sur venue récemment et encore fort modeste dans les rentrées des impôts indirects, le budget, de 1903 s'offre dans des conditions très précaires, c'est aussi ce que tout le monde sait. L'expé dient qui a été greffé sur la conversion de la Rente 3 l/'2_et qui, par un changement de la date du payement des arrérages de cette Rente convertie, allège momentanément de plusieurs dizaines de millions de francs ce service de notre dette de 1903, n'est pas dénaturé à se re produire les années suivantes : en outre la ma joration des recettes de l'alcool, malgré la sup pression. si elle est votée, du privilège des bouil leurs de cru, est une ressource en partie pro blématique. Ces vices apparents des budgets de 1902 et de 1903 méritent, sans doute, d'être signalés, mais ils n'échappaient pas à l'attention publique; c'est sur des défauts moins connus et tout aussi graves de la gestion do nos finances qu'il con vient surtout de porter la lumière. Un fait d'une gravité tout à fait exception nelle a été dénoncé par M. Ribot, et il semble qu'il laisse le public- indifférent ; c'est que la la discussion générale du budget s'ouvre avant que les rapports sur deux des ministères les plus importants, les plus dépensiers, celui de la guerre et celui de la marine aient été distribués. Bien plus, pour le ministère de la marine, on ne possède même pas l'état législatif des mises en chantier de nouveaux navires. Ainsi, la discussion générale du budget s'ef fectue, en grande partie du moins, sans pièces, ou sur des documents incertains et des chiffres dépourvus de justification. Si, il y a vingt ans, il y a quarante ans, ou il y a soixante ans, on eût annoncé que le régime dé mocratique aboutirait à cette situation qu'on discuterait les finances générales du pays sans que les rapports sur les ministères principaux eussent été rédigés et distribués, on eût ren contré l'incrédulité générale. Par un singulier phénomène de régression, le régime ultra démocratique nous ramène ainsi à la confusion et à l'obscurité financière des régimes absolutistes d'autrefois. On discute le budget au petit bonheur, sans documents, rans rapports spéciaux, sans pièces précises. Cependant, la Chambre actuelle a été élue à la fin d'avril, le ministère est installé depuis le commencement de mai et, comme la bureau cratie, elle, ne change pas, qu'elle est perma nente, il eut été bien facile en ces huit mois de...