Extrait du journal
PARIS, 25 MAL Nous entendons depuis long-temps parler du projet de régénérer la presse. Il y a des gens qui ont pour cela des systèmes merveilleux. Tantôt on a proposé au gou vernement de se faire lui-même journaliste , et comme on se défiait sans doute du talent de nos hommes d'Etat pour administrer et diriger un journal, on aurait voulu que le gouvernement donnât son œuvre au plus bas prix possible , afin de tenter les petites bourses et d'a voir des lecteurs; car c'est là le point difficile, le nœud de la question, avoir des lecteurs ! Par une singulière fatalité, il s'est trouvé que toutes les fois que le gou vernement a essayé de faire un journal, c'est précisé ment ce journal là dont personne n'a voulu. Tantôt, peur parer à ce grave inconvénient de n'avoir pas de lecteurs, on a imaginé avec finesse d'ouvrir les jour naux qui en ont à l'éloquence du gouvernement. Le mi nistère aurait un droit de propriété sur la première co lonne de chaque journal. Là il discuterait officiellement avec nous autres écrivains ; sans doute aussi il répon drait à nos interpellations; là le ministre du jour prou verait à la France qu'il est le meilleur ministre et le plus habite homme du monde. Il faut convenir que cela pourrait être amusant quelquefois, et nous aurions mau vaise grâce, à coup sûr, de nous plaindre de l'honneur qu'on veut nous faire en nous donnant pour collabora teurs les plus grands génies politiques de la France. Nous ne serions pas fâchés d'avoir des articles signés tantôt Dupin , tantôt Thiers , tantôt Odilou Barrot. Les lecteurs qui s'abonneraient à un journal d'Opposition seraient bien attrapés : ils auraient bon gré malgré un journal ministériel par-dessus le marché. Le savoir faire moderne n'a rien inventé de plus ingénieux. Enfin on veut, à toute force , régénérer la presse. A la bonne heure. Mais pendant qu'on y est, régénérera t-on aussi la tribune ? Il nous semble que les gens qui sont si industrieux pour imaginer des remèdes contre les abus de la presse , ne feraient pas mal d'appliquer leur génie inventif à découvrir le moyen de réformer les abus de la tribune. Par exemple , n'est-ce pas une chose pitoyable , qu'avec quelque faconde , la moindre célébrité de barreau de province se croie en droit de prétendre au ministère ? Parce qu'on a pris devant une Cour d'assis'es, l'habitude de ranger ses mots de façon à en faire à peu prés un discours avec exorde et péro raison, n'est-il pas pitoyable qu'on tranche de l'homme d'Etat, et qu'on ne voie plus rien de trop élevé pour le talent qu'on croit avoir ? Si encore le pouvoir était le prix du talent de la parole , du vrai talent, cela serait plus supportable. Le conflit n'aurait lieu d'abord qu'entre un très petit nombre de personnes, et puis si l'éloquence ne suppose pas nécessairement le génie qui agit et qui réalise, au moins elle ne va qu'avec de nobles et hautes facultés de l'âme. Mais qui ne sait qu'avec quelque...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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