Extrait du journal

tère et de dignité. Elle est veuve et la solennité de ce jour a fait passer devant ses yeux et refluer de son cœur blessé les flots des souvenirs amers. Cette figure de simple paysanne est d'une telle grandeur, d'une telle majesté ; elle est si frappante par le sentiment profond qu'exprime non seulement son visage mais toute sa personne, que j'ai été tenté de lui appli quer le mot de sublime. C'est une créa tion originale et superbe, la note do minante et profondément émouvante d'une composition qui, autant par le goût et la pensée pittoresque qui l'ont inspirée que par l'exécution soutenue, délicate et parfaitement appropriée au sujet, restera parmi les plus élevées, les plus ravissan tes, les plus exquises de l'artiste. M. Breton a exposé un autre tableau qui, en toute autre occasion, attirerait vi vement l'attention, mais qui est un peu effacé et comme relégué au second plan par le précédent. Il est intitulé Sur la grande route en hiver. Il fait presque nuit et un jeune gars, sa pelle ronde à la main, est occupé à enlever du chemin la neige que les derniers reflets du jour et la lune qui vient de se lever colorent de lueurs rosées. Sans quitter son ouvrage il relève la tête et parle en riant à une jeune fille quf passe, son panier au bras, et l'écoute dans aine attitude char mante et une ravissante expression; ces deux personnages me rappellent le Berger et la Bergère qui séparés par une petite rivière causaient si gentiment l'an der nier. Six mois ont passé, c'est l'hiver et la nuit, mais les amoureux ne se soucient ni des heures ni des saisons. Le tableau qu'expose cette année M. Meissonier fils est le plus accompli, je crois, que le jeune artiste nous ait en core donné et il marque un progrès sen sible de son talent. On retrouve sans doute encore les traces que l'enseigne ment, les conseils de son illustre père ont eus sur son développement artistique et il faudrait s'étonner et regretter qu'il en fût autrement ; mais sa personnalité, son...