Extrait du journal

Les ouvriers lyonnais ET LES QUESTIONS SOCIALES. I. Nous recommandons souvent de lire attentivement les journaux et les écrits qui sont rédigés ou inspirés par les membres des classes ouvrières, et il en cite lui-même de nombreux ex traits. En reproduisant ces documents, où l’on retrouve sans cesse, à côté de vœux légitimes, d’aspirations raisonna bles, les plaintes les moins fondées, les violences les plus fâcheuses, notre pen sée n’est pas d’effrayer les conserva teurs, et encore moins de les exciter contre une classe d’hommes dont l’im mense majorité, malgré ses erreurs et ses fautes, est digne du plus réel inté rêt; mais nous estimons que le moment est venu d’étudier avec plus de soin que jamais les dispositions des ouvriers, et de rechercher, dans les exposés de leurs griefs, ce qui est faux et doit être combattu sans relâche, ce qui est vrai et nécessite de promptes réformes. Aujourd’hui, nous avons à parler d’une publication importante, récemment pa rue, le Rapport sur F Exposition de Lyon, publié par les délégués des corporations ouvrières de cette ville. Depuis quelques années, les ouvriers lyonnais ont beau coup fait parler d’eux : ils forment, diton, l’avant-garde de l’armée des travail leurs, les champions les plus énergi ques de la « revendication sociale » ; il y a donc un intérêt réel à connaître leur opinion actuelle sur les réformes sociales, à lire ce rapport qu’ils appellent euxmêmes a les Cahiers du travail en 1873. » Mais, avant d’analyser à ce point de vue le travail des délégués lyonnais, il convient de rappeler comment s’est formée cette délégation ouvrière; nous n’aurons, pour en retracer l’histoire, qu’à résumer la notice placée en tète du rapport. On se souvient que des délégations ouvrières avaient été appelées à visiter les Expositions de Londres et de Paris, en 1862 et en 1867; elles étaient chargées par leurs commettants d’étudier rétat de l’industrie et surtout de chercher les moyens de remédier « à l’absence » de justice dans la répartition du bien» être social. » C’est dans le même but, c’est afin de poursuivre « l’œuvre de revendication » que les corporations ouvrières de Lyon ont nommé un corps de délégués à l’Exposition de 1872. La formation de cette délégation fut, parait-il, lente et pénible, et le rapport constate avec regret qu’il a fallu lutter contre * les préjugés, la routine et la » méfiance » de la classe ouvrière. A la fin de mars 1872, la délégation, qui ne comptait encore que dix-sept membres, demanda à être autorisée par la préfec ture. L’autorisation fut accordée, mais sous la condition que les délégués ne discuteraient aucune question d’écono mie sociale sans en avoir préalablement averti l’administration. C’était, disent les délégués, une autorisation « injurieuse » pour notre dignité; » mais, « dans » l’intérêt de tous, il était de notre do» voir de courber la tête, sauf à trouver » le moyen de tourner la difficulté, dans » le cas où elle se présenterait. C'est ce » ce que nous avons fait, et jamais nous...