Extrait du journal

A Versailles, par delà le boulevard de la Reine, tout au bout d’une de ces calmes rues provinciales, placées — c’est une er reur, sans doute, ou un oubli — sous l’in vocation des patronnes de Mesdames Filles de France, un gracieux chàlet flambe de toutes sc-s vitres au jeune soleil de ce matin de mars. Je sonne à la grille, où montent des fusains. Un bavolet breton (d’autres diraient normand) vient m’ouvrir. « — M. le général est-il là ? << — 11 n’y est pas, mais si vous voulez l'attendre ? » On m'introduit dans un petit salon où tout dit le bonheur d’un de ceux-là qui, comme Ulysse, ont fait un long voyage : la svel tesse des vases exotiques, les meubles tra pus et laqués, Des divans profonds comme des tombeaux Et d’étranges « armes » sur les étagères, et aussi sur les murs tendus d’étoffes cha toyantes. Cinq minutes, peut-être dix, se passent. A nouveau la grille tinte clair, le sable crisse sous un pas rapide. C’est le général qui rentre. La porte s’ouvre : il est devant moi, petit, menu, tout blanc, mais alerte, souple, le geste aisé et l’œil prodigieuse ment vif. Courtois, il me tend la main. Je le salue respectueusement et le prie de vouloir bien me donner son opinion sur les nouveaux scandales de la marine. Je dis nouveaux : est-ce bien nouveaux qu’il faut dire ? Ne sont-ce pas toujours les mêmes, continués ? Et, somme toute, ne serait-il pas plus court — et aussi plus juste — de parler du scandale endémique de la ma nne ? « — Je vous avouerai, me dit le général, que je sais fort peu de choses là-dessus. J’ai appris la nouvelle par les journaux. Evi demment, c’est regrettable, mais je ne crois pas ou’il y ait lieu de s’émouvoir outre mei...