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La Libre Parole, 11 janvier 1896

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La Libre Parole
11 janvier 1896


Extrait du journal

— Si tu veux, ma chère amie, nous irons voir d’un peu près, cette après-midi, le génie de la Bas tille. La sœur du Monsieur qui s'exprimait ainsi hier, fit une petite moue indignée. — Fi donc ! monsieur mon frère, ne le voit-on pas que trop d’en bas ? ce sans-culotte. Le Monsieur aurait pu, très justement, faire ob server à sa sœur que le génie de la Bastille avait toutes sortes de raisons pour être un sans-culotte, puisqu’il personnifie le triomphe de la Révolution, mais il se contenta simplement de déclarer que le panorama de Paris, vu du haut de la colonne de Juillet, devait être superbe. Cette déclaration décida Mlle C... Une demi-heure après, le couple s’introduisait dans le tube qui marque l’emplacement de V an cienne prison d’Etat. Bientôt ils furent au sommet de l’édifice, et là, ils s’abîmèrent dans la contemplation de la VilleLumière, dont les mille bruits monta ent jusqu’à eux. Au-dessus d'eux, les ailes d’or du sans-culotte baissaient mélodieusement sous le souffle aigre de la brise du Nord. Deux heures se passèrent. Déjà le grouillement des faubourgs s’accentuait de la sortie des ateliers. — Si nous faisions comme ces braves gens, fit le frère, en désignant du doigt la foule des travail leurs qui, en ban les, regagnaient le logis. La sœur acquiesça d’un geste, et la descente commença. Au bas de la colonne, dans l’ombre, le frère poussa un cri : « La porte est fermée I » L’horreur de leur situation leur apparut comme dans un changement à vue, au théâtre. Les croyant descendus, le gardien, au coup de six heures, avait regagné ses lares après avoir, tou tefois, clos hermétiquement l’huis confié à sa garde. Les infortunés allaient être prisonniers du génie de la Bastille jusqu’au lendemain. — Remontons, fit le frère d’une voix sombre... J’ai du papier. L'ascension recommença. En haut de la colonne, les deux cncolonnés se livrèrent à une besogne étrange, tandis que le frère, d’une main fébrile, jetait sur des carrés de papier ces mots : Sommes prisonniers... Regardez en l'air... Vingt-cinq francs de récompense à qui nous délivrera... A l'aide! à l'aide!.., La sœur, par dessus la balustrade, confiait aux aquiilons les carrés qui, tournoyant , venaient s'éparpiller sur les passants. Au bout d’que heure, ur. gardien de la paix eut enfin la curiosité de ramasser un des bouts de pa pier... Quelques instants après, M. et Mlle C... étaient libres; mais, en franchissant la grille qui entoure la colonne, la sœur, se retournant vers la statue aux ailes d’or frissonnantes, lui jeta cette phrase, dans laquelle vibra toute son indignation : — Eh! va donc eh!..., espèce de symbole de la liberté ! —Raphaël Viau....

À propos

Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».

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