Extrait du journal

et, au delà de la Seine, des hauteurs aux pentes gazonnées, aux sommets desquelles s’élevaient quelques châ teaux de la grande banlieue parisienne et aussi d’anciennes demeures comme Petit-Bourg, où le duc d’Antin fit scier en une nuit une rangée d’arbres qui avait déplu à Louis XIV7 et qui s’écrou lèrent tout à coup, à un coup de sifflet, sur une seconde manifestation du roi. Par un phénomène singulier, ce che min, que j’ai parcouru tant de fois en quelques enjambées aux heures heu reuses de la jeunesse, devient pour moi, dans mes rêveries de blessé et de malade, le chemin de la vie. Je revois passer là tous les êtres chers, tous les êtres ennemis, tous les êtres bons ou odieux, tous les êtres ri dicules ou comiques, tous les hommes politiques qui se sont succédé au pou voir, qui ont consciencieusement aidé à la ruine de notre cher pays. Dans le flottement d’un demi-som meil, je vous aperçois, mes chers amis, toujours m’encourageant et me conso lant et je vous envoie de la main un geste affectueux. Que de monde ? Que de monde ? Estil possible que l'on puisse connaître tant de monde que cela ! Tenez. J’aperçois dans la foule cet excellent Arthur Meyer. Il n’a pas eu de chance ; il m’apportait précisément son livre : Ce que mes g eux ont vu, qui, paraît-il, est un très grand succès de librairie. Nous avons eu, il y a vingt-cinq ans, quelques difficultés, mais je n’ai pas de rancune après vingt-cinq ans. Il a, depuis, été toujours pour moi un con frère obligeant et serviable. Je lui ai promis un article sur son livre ; je le lui écrirai dès que j’aurai les membres à peu près valides. N’a-t-il pas, d’ailleurs, près de moi, la meilleure des recommandations ? Les observations plus ou moins aigres de ceux qui m’ont reproché, dans leurs lettres, de ne pas avoir invectivé Meyer. Or, je n’accepte de conseils que de ceux qui peuvent me dire: « J ai marché avant vous, je me suis exposé plus que vous ; j’ai été plus attaqué que vous : j’ai été plus éprouvé que vous par la vie ». Celui-là, je ne l’ai jamais ren contré. Edouard drumont....