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La Libre Parole, 17 mai 1914

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La Libre Parole
17 mai 1914


Extrait du journal

N’y a-t-il pas quelque chose d’im pressionnant dans le fait que la prise de Taza, réunissant les routes du Ma roc à celles de l’Algérie, se trouve coïncider avec la triste journée des élections ? il semble qu'au milieu des tristesses et des inquiétudes de l’heure présente, la main de la Providence continue de pousser la France dans sa destinée co lonisatrice. On se rappelle la scène où Jeanne d’Arc décrit l’appel de ses voix. C’était à Loches, après la victoire si démons trative d’Orléans. Charles VII doutait encore. Un jour, Jeanne était venue pour essayer de le décider à se faire sacrer à Hcims. « Comme le prince la regardait, ne sachant que lui répon dre, Christophe dTlarcourt lui de manda si ses Voix l’avaient poussée à faire cette démarche. « — Oui, répliqua-t-elle, et je suis fort aiguillonnée louchant cette chose. « — Ne voudriez-vous pas, continua d’Harcourt, nous dire ici, en présence du roi, de quelle façon vos Voix vous parlent ? » Ix? roi insistant la Pucellc se décida à parler : u —- Quand je suis affligée dctce qu’on n’ajoute pas foi facilement aux choses que j’annonce de la part de Dieu, je me retire à l’écart et prie ce Souverain Maître, me plaignant à lui et lui de mandant pourquoi on ne croit pas mes paroles. Ma prière faite, j’entends une Voix qui me dit : « Fille de Dieu, va ! va ! Je serai à Ion aide, va ! » 11 y a quelque chose de cet appel mystérieux dans la force inéluctable qui incessamment appelle la France à reconstituer un immense empire colo nial. Après la perte des colonies d’A mérique, l’Algérie, l’Indo-Chine, le Tonkin, la Tunisie, Madagascar, les colonies de l’Ouest africain, le Maroc, ont refait de la France la deuxième puissance coloniale. Je causais l’autre jour avec quelqu’un qui approche de près la diplomatie : « On n’a pas idée, nie disait-il, de ce que la France a de poids dans le monde par ses colonies. Flic a, par là, plus d’importance que par ses ressources financières. On la trouve partout. C’est là un fait avec le quel toutes les diplomaties sont bien obligées de compter. » Quand l’Allemagne, née sur le tard aux appétits coloniaux, se scandalise de voir la France, avec sa population peu commerçante, occuper une sur face si grande du globe, elle oublie que les colonies ne sont pas, le plus souvent, la récompense d’un heureux négoce : elles s’achètent avec le sang. En quel! pays du monde la France n’a-t-elle pas jeté à profusion celui de ses missionnaires ? Lorsque l’Allema gne en aura versé autant, alors elle méritera des colonies ! J’ai ici sous les yeux la vie de Jean Le Vacher (1), « prêtre de la Mission, missionnaire et vicaire apostolique, grand-vicaire en l’archevêché de Carthage, en Afrique, consul pour la nalioti française, d’abord en la ville et royaume de Tunis, puis en la ville et royaume d’Alger. » Elle montre bien comment la France colonise et pour quoi elle mérite d’avoir des colonies. Ce n’est pas à la manière allemande. Jean Le Vacher était tout à fait de chez nous. Il était né, le 15 mars 1619, à Ecouen, en Seine-et-Oise. Il fut or donné prêtre en 1647, et saint Vincent de Paul le destina aussitôt à la Mission de Tunis. Saint Vincent connaissait par expé rience personnelle l’enfer où il en voyait son disciple. Il avait été ca{>til en Barbarie. « Ils nous baillè rent à chacun, écrit-il dans ses lettres, une paire de braies, un hoqueton de lin et une bonnette, ri nous promenèrent par la ville d<^ Tunis. Nous ayant fait faire cinq ou six tours par la ville, la chaîne au col, ils nous ramenèrent au bateau, afin que les marchands vinssent voir qui pourrait manger et qui non, pour montrer que nos plaies n’étaient point mortelles. Ce fait, nous ramenèrent à la place où les marchands nous vinrent visiter tout de même que l’on fait à l’achat d’un cheval ou d’un bœuf, nous faisant ouvrir la bouche pour visiter nos dents, palpant nos côtes, sondant nos plaies et nous faisant cheminer le pas, trotter et courir, puis tenir des fardeaux, puis lutter pour voir la force d’un chacun, et mille autres sortes de brutalités. » Jean Le Vacher organisa le culte dans les bagnes de Tunis. « Il y en avait quatorze, formant comme autant de paroisses, et contenant chacun de trois à quatre cents esclaves. Ce sont, dit Jean Le Vacher, comme de longs “magasins mal construits, mais très so lides, bien fermés par trois bonnes < l:an le Vacher, par Ray manu Glvizes, prev U* «i Partis, L&nAU'ù,...

À propos

Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».

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