Extrait du journal

n Un homme ventripotent, haut de torse, court sur pattes, dodelinant légèrement de l’arrière-train à la façon des canards et •sans cesse préoccupé de relever ses chaus ses qui glissent, tel se profite, en silhouette, le docteur Raoul Pacnud. En buste, c'est le masque coloré d’un bon vivant épanoui par la cinquantaine, entre une courte tignasse revêche et une barbe grise broussailleuse. Un bon vivant, certes, et qui s’en vante ! On conte à cet égard d’aimables histoires que je ne rapporterai pas. Le correspondant de guerre n’a pas le loisir de s'attarder aux anecdotes joyeuses. Au petit village d’Angles, tout près de la maison du docteur Pacaud, arrêtons-nous plutôt, un instant, à considérer avec éton nement une marc stagnante que l'on dirait placée là tout exprès. En fait, elle complète admirablement un paysage symbolique. C’est penché sur cette mare, dont l’eau pourrie se refuse à refléter le ciel, que le petit médecin de campagne a découvert les vérités décisives de la réussite en politique. C’est là qu'il a vu nettement les chances do son destin et qu’il s’est voué pour jamais au culte du scrutin d’arrondissement. Et son enthousiasme, et sa gratitude ont dû s’exprimer alors à peu près ainsi : — Gloire à toi, petite mare stagnante, demeure toujours auprès de ma maison comme la meilleure et la plus sûre des con seillères. Peut-être un jour devrai-je affron ter quelqu’un de ces dangereux rêveurs qui voudraient assainir notre pays et libérer l’âme française engourdie au relent des pe tites mares. Mais, fort des principes que j’ai puisés en toi, je ne crains rien, puisque, si je suis vaincu, je saurai me faire attribuer la victoire — et c’esk l'essentiel....