Extrait du journal
toute sorte, prélèvent leur part et se multiplient, le cas échéant, pour dé fendre la cagnotte qui les fait vivre. Si M. Lépine avait, ce que je ne crois pas, l’intention sincère d’étudier honnêtement cette question, il n’au rait qu’à faire prendre le tome Ier des Mémoires de Pasquier, qui fut un de ses prédécesseurs à la Préfecture de Police. Il y trouverait une dizaine de pages consacrées aux Jeux qui sont un très précieux document d’histoire sociale. A cette époque, on n’en était pas arrivé à ce dégre d’imbécillité et de corruption de donner pour rien à des Juifs ce qui pouvait rapporter de gros revenus à l’Etat. Napoléon 1er aurait tout cassé dans son cabinet, si on lui avait dit qu’on faisait cadeau à Bloch d’une somme suffisante à équiper un corps d’armée. C’était le taux de la concession seulement qui prêtait à des intrigues et à des manœuvres assez louches. Ce qu’on appellerait aujourd’hui la Sûreté générale, c’est-à-dire le minis tère de la Police, était représenté par Rovigo, qui passait pour ne pas être inaccessible aux pots-de vin. La Pré fecture de Police avait à sa tête Pas quier, qui, charge d’une enquête par l’Empereur, écrivit un rapport qui est du plus considérable intérêt. L’amour du Jeu, disait Pasquier, est une maladie morale ; elle doit être traitée comme les maladies physiques qu’on n’espère pas détruire, mais qu’on atténue le plus possible, et qu’on tra vaille surtout à empêcher de devenir contagieuses ; or, ce n’est pas ce qui a été fait depuis quinze ans. On est parti d’un principe qui est au moins très spécieux. Il est impossible, s’est-on dit, d’extirper la passion du Jeu ; il faut amener ceux qui eu sont atteints à jouer dans un lieu en quelque sorte public, sous les yeux de l’autorité qui peut surveiller leurs actions, arrêter leurs désordres les plus révoltants et même écarter les hommes qui, par état, ne peuvent se livrer à cette passion sans qu’elle ait pour eux les plus terribles conséquences. Pour atteindre ce but, deux, trois ou quatre maisons au plus étaient suffisan tes. On en a établi jusqu’à quatorze, y compris le Salon des Etrangers,parce que, du moment où le produit est devenu une branche de revenu avoué, on a traité cette branche comme les autres. Ne voyant rien de mieux à faire que de l’é tendre, quand le produit a diminué, en ne levant l’impôt que sur une certaine classe d’hommes, on s’est efforcé d’en at tirer une autre. Ainsi, pendant quelque temps, les dés œuvrés de la société, les fournisseurs, les généraux et tous les hommes qui avaient fait fortune dans le cours de la Révolution ont seuls fréquenté les mai sons de jeu. Insensiblement, ces indivi dus se sont ruinés ou ont vu tarir les sources de leur odieuse fortune, ou ont été retenus par une sorte de pudeur qui est venue de la régularité que Sa Majesté a exigée des hommes appelés à l’honneur de la servir ou de l’approcher. On a alors ouvert des maisons pour les marchands, pour les commis, pour le peuple, pour les domestiques. Non con tent de.mettre pour enjeu des écus, des louis ef des billets de banque, on a fait jouer quarante et jusqu’à quinze sous. On a placé des maisons de jeu partout, dans des quartiers où il n’y en avait ja mais eu, par exemple au centre du com merce, dans la rue Saint-Martin. Cette mine a été très féconde ; mais aussi, quel mal n’en est-il pas résulté 1 La maladie qui était concentrée dans une classe de la société a gagné la masse de la population ; un désordre épouvan table s’est introduit dans les mœurs, et le nombre des crimes s’en est sensible ment accru. Le Jeu est tellement la source de ce dé sordre que, quand il se commet dans une habitation un vol de quelque impor tance, le premier soin que prend la police est de rechercher s’il y a dans cette habi tation un individu fréquentant les mai sons de jeu, et, si elle en trouve un seul, bien rarement se trompe-t-elle en met tant la main dessus. Pour remédier à cet état de choses, Pasquier proposait de ne laisser sub sister que trois ou quatre maisons de jeu qui suffiraient pour « les oisifs de la société qui, s’ils ne jouaient pas dans les lieux publics, joueraient, et avec plus de risques peut-être, dans les maisons particulières, pour les étrangers qui ont presque tous le goût du Jeu à un très haut degré et qui se trouvent ainsi réunis dans une même enceinte, à la grande commo dité de l’autorité qui les surveille ». On ne trouvera rien de mieux que la solution de Pasquier : tolérer un cer tain nombre de maisons de jeu, mettre l’autorisation de tenir ces maisons en adjudication et disposer de cet argent en faveur de quelque œuvre intéres...
À propos
Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».
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