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La Presse, 3 mai 1891

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La Presse
3 mai 1891


Extrait du journal

A l'entrée du pont de là Concorde, un cordon de gardiens de la!paix leur barre le passage, • M. Maurice, inspecteur divisionnaire, ne' consent à laisser passer que cinq délégués, malgré les récri minations de M. Thivrier, député de l'Allier, qui a passé son écharpe sur sa blouse et s'est mis à la tête de la délégation. Lorsque les cinq délégués, parmi lesquels M. Çuningham Graham, entrent dans la Chambre, ils sont conduits au secrétariat général de la prési dence. Deux autres groupes de cinq de leurs camarades entrent à leur tour dans le palais et restent dans la salle d'attente. Ces derniers expliquent que leur délégation, qui appartient au parti marxiste, comprend cinquante membres. Ils consentent bien à se fractionner par groupes de cinq pour pénétrer dans le palais, mais ils affich nt la prétention d'être reçus tous les cinquante collectivement par le président. Ils ne veulent déposer leur pétition qu'à cette condition. • Les cinq premiers délégués marxistes introduits chez M. Pierre, secrétaire général de la présidence, ont eu une longue et vive discussion. Us ont refusé de déposer leur pétition, demandant que tous les membres de leur délégation, au nom bre de trente, les uns attendant dans la salle d'at tente du public, les autres sur le quai, fussent intro duits par groupes de cinq s'il le fallait, mais réunis tous dans le cabinet du secrétaire général pour assister au dépôt et à l'enregistrement des pétitions. Le secrétaire général n'a pu accueillir cette de mande. 11 a fait observer qu'elle était contraire aux règle ments et aux ordres qu'il avait reçus, que les péti tions, ainsi déposées, paraîtraient apportées par un rassemblement sur la voie publique, ce que la loi interdit. Il a ajouté qu'il était prêt à recevoir sans inter ruption, mais par groupes successifs de cinq, les autres délégués, et que le but recherché par ceux-ci serait atteint, c'est-a-dire le dépôt des pétitions. Les délégués s'y Sont refusés. M. Thivrier, député socialiste, qui, pendant ces pourparlers, s'était rendu chez M. f«loquet, est venu rejoindre les délégués chez le secrétaire général, et a confirmé que M. Floquet refusait ae laisser entrer les délégués, autrement que par groupes de cinq.' PLACE DE LA CONCORDE Charges de cavalerie Peu de monde, place de la Concorde, jusque vers deux heures; en revanche, foule de gardiens de la paix et de cavaliers de la garde républicaine. La tactique employée pendant Ja journée diffère de celle qui avait été mise en pratique l'année der nière. Cette fois-ci on laisse les personnes se rassem bler par paquets, et quand on juge le moment ar rivé, on fait charger par les gardiens et les cava liers. Rarement nous avons vu agir avec une brutalité aussi révoltante.; il est évident que des; ordres pré cis leur ont été donnés, sans quoi les scènes dont tant de personnes ont été témoins ne se seraientpas présentées. Vers deux heures et demie, 2,000 personnes au plus se trouvaient disséminés sur la place et les en virons : à ce moment, au coin de la place et des Tuileries, en face la rue Saint-Florentin, une charge a lieu et un homme d'un certain âge a été frappé, à moitié assommé par un sous-brigadier portant le numéro matricule 4. C. 15. Une quinzaine de personnes sont arrêtées et parmi elles un de nos confrères, M. Chauvin, rédac teur au Rappel, au moment où il prenait des notes et inscrivait les numéros d'agents qui s'étaient plus particulièrement signalés par leur sauvage agres sion. Notre confrère, suivi de M. Ripaux, rédacteur au Nouvelliste de Lyon, a été conduit au poste de la terrasse de l'Orangerie, aux Tuileries. Mis en pré sence de M. Maurice, inspecteur divisionnaire, il a été relâché peu de temps après. Il y avait à ce moment au poste une quarantaine de personnes, parmi lesquelles deux enfants d'une douzaine d'années. Entre autres personnes se trouvait un attaché du cabinet de M. Floquet, président de la Chambre, qui avait été arrêté pour avoir protesté contre la bruta lité des agents. . - On nous signale entre autres les agents 4. C. 85 et 4. C. 66, remarquables entre tous, par une violence sans exemple. Une partie de l'après-midi est employée par la police à faire charger la foule de quart d'heure en quart d'heure. M. Constans fait une apparition et arpente la Îilace de la Concorde tout seul ; il constate le zèle et 'ardeur de ses agents qui se distinguent sous ses yeux. Vers quatre heures, la foule qui n'a cessé de se porter du côté de la place, et que l'on peut évaluer à ce moment à environ 20,000, est de nouveau char gée et refoulée en dehors de la place. Les agents poursuivent les spectateurs, les frappent et opèrent de nombreuses arrestations. Le public est indigné des provocations policières. La population toutefois ne se départit pas de son calme et refuse de répondre à ces agressions pour ne pas donner une journée à M. Constans. Avenue Gabriel, quelques gamins ramassent des pierres qu'ils jettent aux cnevaux ; pendant ce temps, les coups de poing pleuvent sur les curieux qui ont eu le tort de s'aventurer par là. Parmi eux, M. H..., fils d'un fonctionnaire, est très maltraité, Il reçoit de nombreux coups sur la tête et a l'oreille en sang. Une charge d'agents se produitau.Cours-la-Reine; quelques-uns dégainent et frappent à tort et à tra vers du fourreau de leurs sabres. Un vieillard tombe le front ensanglanté. Il est relevé aussitôt et con duit au poste voisin, où il reçoit les soins que ré clame son état. Une bagarre Quand nous disons : on l'emmène au poste, nous avons tort, car la foule s'étant emparée de la vic time, veut la porter chez le pharmacien. Les agents s'y opposent, il s'ensuit, rue Royale, entre les ma nifestants, parmi lesquels nous remarquons M. Morphy, et les agents, une bagarre assez sérieuse. Des deux côtés, on tape dur. La victoire reste aux agents, qui emportent le blessé au poste. Sur le champ de bataillé, on retrouve un rasoir ouvert et maintenu par des ficelles enlacées autour du manche ; était-il destiné à couper le cou à un agent ? Les arrestations continuent, nombreuses. A cha que instant, on amène au poste des Tuileries des récalcitrants ou des gens qui refusaient de circuler. Parmi eux se trouve une jeune femme qui est ré clamée après une Heure de détention. A cinq heures et demie, les agents font une nou velle charge. Un détachement frappe avec brutalité des passants inoffensifs, rue de Rivoli. ils sont commandés par ua sous-brto<à«i ex...

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La Presse, fondé en 1836 par Émile de Girardin, fut l’un des premiers grands quotidiens populaires français.

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