PRÉCÉDENT

La Presse, 5 mai 1891

SUIVANT

URL invalide

La Presse
5 mai 1891


Extrait du journal

Les événements de Fourmies sont beaucoup plus graves qu'on ne le croyait tout d'abord. Evidemment dans les premières dépêches on avait atténué les faits. Aujourd'hui un peu de lumière éclaire un coin de ce sombre tableau. Quatorze morts et quarante blessés, tel est le bilan de la journée du 1er mai à Fourmies. Nous sommes en présence d'une véritable catastrophe, d'un de ces horribles incidents qui sont inscrits en lettres rouges dans l'his toire. Le premier point important est de savoir si, en commandant le feu, la loi a été respectée, si les sommations ont été faites. Le règlement sur le service des places, du 23 octobre 1883, est en effet, formel. En voici le texte : Cas où les troupes doivent faire usage de leurs armes. Sommations - Art. 178. — En cas de troubles et en dehors des circonstances spécifiées par l'art. 74, dans lesquelles les troupes sont l'objet d'une agression et doivent se défendre par tous les moyens possibles, elles ne Eeuvent faire usage de leurs armes pour le rétalissement de l'ordre, que dans les conditioes ciaprès, déterminées par la loi dn 7 juin 1848. Lorsqu'un attroupement s'est formé sur la voie publique, le maire ou l'un de ses adjoints, à leur dé faut le commissaire de police ou tout autre agent ou dépositaire de la force publique, revêtu de l'éeharpe tricolore, se rond sur les lieux de l'attrou pement. Un roulement de tambour ou une sonnerie de clai ron annonce l'arrivée du magistrat. Si l'attroupement est armé, le magistrat lui fait sommation de se dissoudre et de se retirer. Si cette première sommation reste sans effet, une seconde sommation, précédée d'un roulement de tambour ou d'une sonnerie de clairon, est faite par le rnagb tra'. En cas de résistance, l'attroupement est dissipé par la force. Si l'attroupement est sans arme.-?, le magistrat, après le premier roulement de tambour, ou la, pre>mière sonnerie de clairon, exhorte les citoyens à se disperser; s'ils ne se retirent pas, trois sommations sont successivement faites. En cas de résistance, l'attroupement est dissipé par la force. Or, il est d'ores et déjà établi qu'il n'y avait ni tambours ni clairons à proximité du théâ tre de la collision. De plus, nos confrères du soir, la France, le Jour, et Paris, dont l'impartialité ne peut être soupçonnée, déclarent que, de l'enquête faite sur place par leurs correspondants, il résulte que les sommations n'ont pas été adressées à la foule. Les formalités de la loi n'ont pas été respec tées, cela n'est maintenant que trop certain. Il y a bien la version du Temps qui dit : « C'est après avoir tiré en l'air et à blanc pour effrayer la foule que le commandant fait faire les sommations d'usage. » Cela est bien invraisemblable. D'abord il n'est guère probable que les soldats avaient à ce moment-là des cartouches à blanc à leur disposition. Ensuite, s'ils avaient des cartou ches sans balles, ils n'avaient pas besoin de tirer en l'air. C'est ;évident. Donc, le récit du Temps, très maladroitement fait, a été arrangé après coup, pour les besoins de la cause. Ajoutons que le nouveau fusil ne produi sant qu'une détonation faible et presque pas de famée, on a pu croire qu'on avait tiré une première fois à blanc, et on a pu le dire pour essayer d'expliquer l'oubli des formalités légales. Mais, malheureusement, la réalité est plus douloureuse. Nous croyons savoir que nos confrères de la Paix et du Gaulois, qui sont sur les lieux, feront ce matin, dans leurs jour naux respectifs, la même constatation. La vérité est que les autorités affolées ont perdu la tête. On devait éviter de commander des feux de salve sur une foule où il y avait au tant de femmes et d'enfants que d'hommes désarmés. Avec un peu de sang-froid et d'ha bileté on pouvait calmer une surexcitation de quelques instants, qui n'avait rien de sérieux et qui ne pouvait durer. Sur ce point encore nous sommes d'accord avec Paris, dont la modération est bien con nue, et qui ne peut s'empêcher de dire : La conciliai ion — et surtout la conciliation pré ventive — eussent évité la catastrophe de Four mies. — L'ordre régné aujourd'hui à Fourmies— comme à Varsovie — mais l'opinion publique, qui se rap pelle que l'année passée, à pareille époque, le préïet du Nord faisait arrêter la nuit à leur domicile les chefs du mouvement ouvrier qu'il relâchait le lendemain faute de preuves, juge très sévèrement les fonctionnaires à qui elle fait remonter à juste fi re la responsabilité de ce massacre. Cette lamentable affaire de Fourmies en rappelle une autre tout aussi triste : celle de la Ricamarie. C'est la première fois, depuis 1869, qu'une collision aussi sanglante se produit entre soldats et ouvriers. Mais à la Ricamarie il n'y eut que neuf morts. A Fourmies il y en a quatorze. C'est à regret que nous faisons cette dou loureuse cons;atation. Et encore à la Ricamarie la troupe avait presque une excuse : depuis trois jours, les soldais étaient harassés par des attaques in...

À propos

La Presse, fondé en 1836 par Émile de Girardin, fut l’un des premiers grands quotidiens populaires français.

En savoir plus
Données de classification
  • fauvel
  • vergoin
  • dubrule
  • lefèvre
  • tiphaine
  • margerin
  • hovelacque
  • delhomme
  • lockroy
  • floquet
  • fourmies
  • paris
  • lyon
  • berlin
  • charleville
  • liège
  • roule
  • clichy
  • roubaix
  • carmagnole
  • bt
  • legrand
  • dupont
  • conseil général
  • vive la république
  • chambre
  • bourse du travail