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La Presse, 7 mars 1922

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La Presse
7 mars 1922


Extrait du journal

Le sacrifice n'est qu'apparent en ce qui concerne te Royaume-Uni, car la princesse Mary a deux frères aptes à porter la cou ronne avant elle. Pour l'étranger, c'est autre chose ; quel « présomptif » n'eût ambitionné de s'allier à la famille régnante d'Angleterre ? Mais régner est un sort bien cruel au vingtième siècle. Si l'on n'a pas l'âme cornélienne, que de figures tragiques parmi les porteuses de couronne que l'aflmanach de Gotha a successivement inscrites sur son armoriai : l'impératrice Eugénie survivant pendant cinquante ans sous ses voiles de deuil à tous les hôtes des Tuile ries, la -reine du Portugal voyant périr sous ses yeux son mari et son fils; l'impératrice Charlotte, hantée par le spectre de Maximilien dans un château qui est un cabanon ; l'impératrice Elisabeth tombant elle-même sous Je poignard d'un assassin ; 'l'impéra trice de Russie, égorgée avec tous les siens après avoir traîné de longues et lentes années d'angoisse sous la menace des bombes... J'en oublie, et qui ne furent pas de moins déplorables martyres, déracinées du pays natal, veuves douloureuses ou mères pantelantes 1 Ni la grandeur, ni le prestige du diadème, ni les gardes d'honneur, tou jours prêtes à se changer en hordes de cons pirateurs et de meurtriers, n'ont pu des dé fendre de sanglantes surprises. Leur ascen sion au trône n'avait été que la première étape d'un calvaire. D'aiîfeurs, même exempte de catastro phes, même s'écoulant à l'abri de tout imprévu dramatique, cette vie princière est une servitude écrasante. Dans les cours les moins ostentatoires (et elles se sont presque toutes réduites au strict minimum protoco laire) l'étiquette reste nécessaire moins pour marquer les distances que pour écarter les importunités dont chacune peut receler une grave, menace. Dès le lever, reine ou altesse, on cesse de s'appartenir ; on est en représentation continuelle ; on a un pro gramme de réceptions, d'audiences, de baise-mains minuté aussi rigoureusement que le plan de la journée d'études d'une couventine. Voulût-on enfreindre ce programme sur quelque point, soit par dégoût personnel de tant de grimaces inutiles, soit par compas sion pour ceux qui sont forcés de les faire, on serait ramené à l'exécution stricte par ceux-là même qu'on prétendait ménager ; les gens de cour, vieillis sous le harnois, croiraient qu'on rabaisse leur office en leur épargnant ces simagrées. Dans le cercOe étroit du cérémonial, les inférieurs trouve raient injurieux d'être traités sans morgue par îes supérieurs. Les serviteurs sont les maîtres dans toute organisation monarchi que, — ou même oligarchique, car un patri cien romain pouvait affranchir ses esclaves ; il n'était jamais affranchi de leur tutelle....

À propos

La Presse, fondé en 1836 par Émile de Girardin, fut l’un des premiers grands quotidiens populaires français.

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