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La Presse, 24 août 1845

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La Presse
24 août 1845


Extrait du journal

Cet homme parlait avec une facilité extraordinaire et avec un accent d'une noblesse inconcevable. Sa fi gure, éclairée d'un rayon d'enthousiasme, et aussitôt voilée par un profond sentiment de doulenr, était d'une beauté . inouïe ; jamais plus nobles traits, ja mais expression plus fine et plus pénétrante n'avaient attiré l'attention de Léonce. — Monsieur, lui dit-il, dominé par un respect in volontaire, vous êtes certainement au dessus de la misérable condition soys les dehors de laquelle voiis m'êtes apparu ; vous êtes quelque artiste malheu reux : permettez-moi de vous secourir et de vous ré compenser ainsi 4e la jouissance poétique que vous m'avez procurée. Mais l'inconnu ne parut pas avoir entendu les pa roles de Léonce. Courbé sur le rivage, il dépliait, avec une répugnance visible, les hardes ignobles qu'il était obligé de reprendre pour cacher sa nudité. — Voilà, dit-il en laissant retomber ses guenilles par terre, un supplice que je vous souhaite de ne pas connaître. L'Italien aime la parure, l'artiste aime le bien-être, le luxe, les parfums, la propreté ; cette mollesse exquise qui renouvelle l'ame et le corps après des exercices mâles et salutaires. Personne ne peut comprendre ce qu'il m'en coûte de me montrer, aux hommes, aux femmes surtout ! avec une blouse déchirée et un pantalon qui montre la corde. —Oh ! je vous comprends et je vous plains, ré pondit Léonce ; mais je puis faire cesser aujourd'hui votre peine, Dieu merci 1 II fait assez chaud pour que vous restiez ici, à m'attendre au soleil un quart . d'heure ; je vous promets que dans un quart d'heure je serai de retour avec des vêtemens capables de contenter votre honnête et légitime fantaisie. Atten dez-moi. Et, avant que l'Italien eût répondu, Léonce s'élan ça sur le sentier, courut à sa voiture, et en retira une valise élégante et légère, qu'il rapporta au bord du lac. Il retrouva son Italien dans l'eau, occupé à faire une gerbe des plus belles fleurs aquatiques, qu'il lui rapporta d'un air de triomphe naïf, et qu'il lui présenta avec une grâce affectueuse....

À propos

La Presse, fondé en 1836 par Émile de Girardin, fut l’un des premiers grands quotidiens populaires français.

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