Extrait du journal
que chose, qu’elle ne fera rien. Dans l’état de choses actuel , l’omnipotence fait peur , parce qu’il n’y a dans le parti dominant que faiblesse et impuissance. Sur deux pouvoirs délibérons, en voici un qui abandonne la partie et abdique , et l’autre, resté avec la dictature, la regardera sans y toucher. Joignez à cela le minis tère du 13 mars, dont la portée est jugée en Europe et en France, et qui , en outre, pendant la maladie de M. Périer , est comme un corps sans âme, et vous aurez une belle et rassurante statistique de la situation parlementaire. Chambre élective, absente et portée pour mémoire, ministère alité , chambre haute murée dans son omnipotence , voilà la formule en trois mots. Cependant les obstacles qui surgissent sur tous les points à l’in térieur et au-dchors nè semblent point au moment de transiger avec le ministère. L’affaire de Grenoble, dans laquelle le 13 mars a déployé un si grand luxe de rudesse , et n’a rien oublié de ce qui pouvait fournir des alimens au mécontentement des popula tions et cultiver les germes de désaffection qui s’accroissent sans cesse , l’affaire de Grenoble se présente encore sous un jour me naçant pour le pouvoir. Le désarmement ordonné ne produit presqu’aucun résultât ; à peine si quelques centaines de fusils ren trent dans les mains de l’autorité , des milliers restent dans les mains de ceux qu’on a si cruellement offensés. Ainsi, la politique habile du juste-milieu aura réussi à donner à toute cette popula tion le désir de lui nuire sans lui en ôter les moyens. Les pouvoirs s’aperçoivent quelquefois , dans un temps donné , du danger de ces rancunes armées. D’un autre côté . il devient difficile de ris quer des mesures rigoureuses qui accroîtraient l’excitation des esprits , car pendant que le ministère fait paraître des ordres du jour pour féliciter la force armée des sévices qui ont eu lieu , toutes les communes avoisinantes de Grenoble envoient des adresses d’adhésion et de félicitation à la garde nationale de celle ville et aux autorités municipales , adoptant et approuvant la conduite qu’elles ont tenue dans ces tristes circonstances. ' Ce fait est grave, et. sous plus d’un rapport, digtïe de re marque. D’abord . c’est un nouveau symptôme qui révèle qu’il ç'vistc dans le pays une action double , que le pouvoir n’est plus à’ila tète des forces morales de la société, et qu’isolé au milieu des populations , il est coutraint, pour faire face aux obstacles , de s’appuyer sur une force matérielle qui peut à chaque instant se briser dans ses mains. Ensuite , ces adresses de communes à communes, ces rapports de municipalités à municipalités sont des essais où percent tout à la fois la puissance et l’à-propos de ccs principes d’organisations provinciales que nous ne cessons d’invoquer. Comme tout ce qui est nécessaire, l’indépendance provinciale gênée et entravée , sc formule dans les faits et se ré fugie dans des manifestations dangereuses pour le pouvoir. Mais, que les institutions soient ouvertes à ce besoin social , et ce qui fait le danger du 13 mars fera la sûreté et la grandeur d’un ordre de choses placé dans des conditions politiques qui sympathisent avec les nécessités de l’époque, Le fleuve auquel on fait son lit n’est qu’un fleuve, si l’on veut arrêter son couis c’est un torrent. On peut dire que s’il fallait un exemple à la fois triste qt frap pant pour montrer que le pouvoir est à côté de cette société qu’il croit diriger, le fléau qui désole Paris est là pour en offrir un nouveau témoignage. Quand les émeutes , suscitées par les bruits d’empoisonnement, troublèrent la capitale, on ne trouva, pour calmer les esprits, que des mesures coercitives
À propos
Publié d’abord sous le nom La Quotidienne en 1792, ce journal royaliste est l’organe principal de Joseph-François Michaud. Historien des croisades, ce dernier est d'abord républicain, puis devient royaliste par hostilité à la Convention. Ces revirements firent changer le journal de nom plusieurs fois durant la Révolution, l’Empire et la Restauration avant de retrouver, en 1814, son titre initial. En 1815, le journal devient la Feuille du jour.
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