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La Quotidienne, 19 mai 1842

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La Quotidienne
19 mai 1842


Extrait du journal

FRANCE. PARIS, 18 MAI. Dans un-de ces courts momens où M. Pasquier, parcourant sa longue carrière, n’était ni préfet, ni directeur général, ni prési dent, ni chancelier, où, n’étant plus que simple pair, il faisait de l’opposition pour redevenir ministre, quelques bonnes vérités lui échappaient par fois, désireux apparemment de se réconcilier avec le bon sens public ; dans une de ces périodes rapides, di sons-nous, M. Pasquier s’exprima un jour à peu près en ces ter mes : « La magistrature doit être séparée de la politique pour » qu’elle puisse, à l’abri de l’ardeur des luttes de l’opinion, con» server son sang-froid. Appelée à maîtriser les passions, sa pre» mière condition, pour y parvenir, est de n’être pas elle-même » forcément passionnée. Les parlemens ont souvent agité le » royaume précisément parce qu’ils intervenaient à tout propos » dans les affaires de l’Etat par droit ou par abus, car les pou» voirs du parlement, en ces délicates matières, ne furent jamais » clairement définis. » (1) Lorsque M. Pasquier faisait de telles réflexions appuyées des souvenirs de l’histoire et portant avec elles, pour preuve de leur justesse, l'autorité de nos troubles civils, il s’agissait d’une loi qui allait charger la Cour royale de prononcer sur les délits de la presse. 31. de Chateaubriand, à son tour, laissa tomber de sa bouche éloquente un bel éloge sur ces paroles. Ce sont là, dit-il, des paroles d’or. 11 paraîtrait que 31. Pasquier a pris au sérieux l'éloge de 31. ae Châteaubriand ; il a cru qu’il y avait, en effet, de l’or dans ses paroles, aussi n’en prononce-t-il plus de pareil les : M. Pasquier n’est pas homme à semer ses richesses. Toujours est-il que la vérité, par M. Pasquier si justement pro clamée, trouve ici, dans nos discussions du jour, une nouvelle application. M. Guizot, cet Omar moderne, qui veut exterminer ia presse comme le barbare incendia la bibliothèque d’Alexan drie, l'un et l’autre par haine de l’intelligence humaine, 31. Gui zot active de son feu les poursuites contre les journaux, pour que l’exécution de dures lois serve ses projets encore plus durs. 11 dit : Saisissez toujours, même lorsqu’il n’y aurait pas au bout une con damnation. 11 dit : la loi est terrible, ne la tempérez par aucune pitié. Ayez de l’indulgence dans toutes les causes, puisque chez le magistrat le plus juste, le plus austère, Dieu n’en a pas moins mis au fond du cœur un sentiment de commisération; mais pour la presse, point d’entrailles. De tous les accusés, le plus coupable, c’est la pensée. Tout instrument de liberté doit être brisé par cette raison de ma logique que la liberté est une ennemie ; qu’il faut lui courir sus, modérée ou non, légale ou illégale, n'importe. Sou nom seul la désigne à mes coups. Le pouvoir n’a pas mission de la protéger, de la secourir, de la défendre, comme tous les autres biens d’un peuple, mats de la détruire. Tel est le langage de 31. Guizot. 11 se révèle par ses circulaires, plus clairement encore par ses actes opiniâtres ; de sorte que la magistrature, alors môme qu elle remplit sou devoir avec conscience, alors qu’elle frappe au nom d’une loi qui la commande et qui, si>Ies dispositions en sont cruelles, ne sauraient rendre responsable de cette cruauté celui qui l’applique; la magistrature se mêle sans le vouloir, sans y être portée, de son choix, aux passions de la politique, bien plus vives sous un ministère animé, sans relâche, d’une haine vio lente et passionnée. Qu’arrive-t-il ? L’évidence de la vérité invoquée par M. Pasquier. La magistrature, recevant chez elle, par le triste effet de notre législation l’ardente politique, celle-ci, à son tour, amène sans sortir de ses droits, la magistrature dans ses débats. Hier la magistrature a comparu à la tribune. Hier, M. le garde des sceaux, secondé des procureurs du roi, membres de la chambre, n’a fait que discuter des intérêts de presse. Est-ce un bien, est-ce un mal pour la justice de se voir ainsi mêlée aux luttes parle mentaires ? Nous laissons aux esprits réfléchis le soin de pronon cer. Nous ne récuserons ni les magistrats ni les députés, au con traire. Comme si ce n'était pas assez d’une telle confusion qui mêle des choses faites, par leur nature même, pour rester séparées, les tristes révélations de >1. Havin nous apprennent que ia poli tique entraîne certains magistrats, non seulement dans des ques tions de presse, mais encore dans des intérêts électoraux. Le fait divulgué porte en lui-même une affligeante gravité ; pour favori ser une famille de bons électeurs l'action de la justice aurait été interrompue, ou du moins contrariée. Ainsi aux yeux des minis tres il y a de bons et de mauvais électeurs, comme déjà on a constitué une bonne et une mauvaise presse ; comme déjà,pour les annonces judiciaires, il y a des journaux choisis par les cours royales, parce qu’ils sont bons, d’autres repoussés parce qu’ils sont mauvais, et ce, suivant qu'ils sont ministériels ou de l’oppo sition. 31aintenant, pour bien comprendre quelle perturbation un pareil système doit jeter dans l’ordre social, songez que le minis1 1ère n’est pas inébranlable sur ses bases, qu’un revirement de ma...

À propos

Publié d’abord sous le nom La Quotidienne en 1792, ce journal royaliste est l’organe principal de Joseph-François Michaud. Historien des croisades, ce dernier est d'abord républicain, puis devient royaliste par hostilité à la Convention. Ces revirements firent changer le journal de nom plusieurs fois durant la Révolution, l’Empire et la Restauration avant de retrouver, en 1814, son titre initial. En 1815, le journal devient la Feuille du jour.

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