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La Quotidienne, 21 juin 1832

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La Quotidienne
21 juin 1832


Extrait du journal

FRANCE. PARIS , 20 JUIN. BULLETIN DE LA SITUATION. C’est une triste et déplorable tâche que celle d’écrire l’histoire journalière de la France telle que le milieu nous l’a faite, et quand oh songe à ce que nous étions et à ce que nous sommes , quand 9n considère une situation si tourmentée et si précaire, achetée iu prix de tant de sacrifices , quand on envisage tous les maux liant* révolution sans compensation de liberté , tout le poids de l’arbitraire sans compensation de gloire , et la France visitée par 'la peste, la guerre civile, la misère, n’étonnant plus l’Europe que parle spectacle prodigieux de ses humiliations et de ses souffran ces, certes il faut l’avouer, les pensées s’empreignent d’amertume, les cœurs se serrent de tristesse , et l’on est tenté de demander aux gens qui ont présidé à tous ces malheurs, comme Bonaparte le demandait naguère au directoire : ce qu'ils ont fait de cette France qu’on leur avait laissée si riche et qui est maintenant si pauvre, si prospère et qui est maintenant si misérable , si glo1 rieuse et qui est maintenant si humiliée ? Cependant cet état de choses , tout déplorable qu’il soit , n’est que le préambule de la situation où nous sommes entrés. Chaque jour lui fait faire un pas , la carrière que le ministère du 'juin nous a ouverte est large , les fautes et les malheurs y tien nent à l’aise en se donnant la main. Déjà le mot de condamnation à mort s’est fait entendre, mot terrible en temps de révolution , car il ouvre des abîmes qu’on ne peut plus combler qu’avec du sang. Nos rues sont attristées par la voix des crieurs publics an nonçant qu’un homme a été condamné aux galères , un autre à la peine capitale : ce sont là les prémices de la justice exception nelle créée le 7 juin, tu les conseils de guerre sont en permanence, et il y a dans les .prisons deux mille prévenus. Et qu’on pense encore que tandis que les tribunaux de guerre effraient la capitale de leur présence , la Vendée mise hors la loi subit les mêmes malheurs. Sans doute ce mol de condamnation à mort , qui s’est fait entendre à Paris, trouvera des échos dans nos déso lées provinces de l’Ouest. Le partisan de la république et celui de Henri V seront atteints du même plomb ; -les femmes et tilles de la Vendée auront à pleurer comme celles de Paris; tandis que ce pauvre jeune artiste Geoffroy si plein d’espérance et de verve ira à la mort pour sa chimère de république qui n’est plus à craindre pour personne, il faudra rouvrir une de ces innombrables tombes dont la noble Vendée est couverte, afin d’y ensévelir quelque fils ignoré des compagnons de Charrette, deLescureoude Cathelineau. Les temps sont loin ou un ministre de la révolution de juillet, la main sur le «furet la tête haute, pouvait dire qu’il n’avait fait porter le deuil 1 personne ! Maintenant le glaive de l’arbitraire est tiré, glaive à deux tranchant, qui menace deux opinions, et cette communauté que la calomnie avait supposée entre des partis séparés par toute la largeur d’un principe, ce sera la communauté du supplice. Les Vendéens et les républicains divisés partout ailleurs se rencon treront pour la première fois sur l’échafaud. La peine capitale ou les galères, la mort ou la honte pour un délit d’opinion lorsque notre civilisatiou, nos mœurs et une haute raison repoussent énergiquement de pareilles rigueurs! Ceux qui wnt au pouvoir ne voient donc pas que l’humanité de l’époque réprouve ces inflexibles sévérités/ Ceux qui sont au pouvoir ne yoient pas que moins que personne ils ont le droit de se montrer ■exorables envers des têtes ardentes, qui oubliant des distincttone subtiles entre l’insurrection prohibée et l’insurrection per®r*e , ne sont coupables peut-être que parce qu’ils se sont sou tenus que les hommes du pouvoir actuel avaient admiré naguère M prôné l’insurrection. Ceux qui sont au pouvoir ne voient pas que ces rigueurs en dehors de l’esprit du siècle, en dehors des ^gles de F équité sont encore en dehors des règles d’une saine Politique , car la Convention, souleva lâ Vendée à coup de pros trations, Bonaparte la pacifia à coup d’amnisties. Pendant que sur ces deux points opposés les coups de l’arbi traire s’appellent et se répondent , la France entière est mise au régime de suspicion. La délation lève la tête comme aux plus Jttauvais jours dont l’histoire nous ait transmis le souvenir , fit 1 corruption humaine s’empressant à mériter son infâme salaire, met la rougeur sur le front de ceux qui avaient cru devoir la Simuler par des promesses de récompenses. Le pouvoir accablé 9e dénonciations sent lui-même le dégoût lui monter au cœur, ^oignez à cela les visites domiciliaires violant les secrets de la...

À propos

Publié d’abord sous le nom La Quotidienne en 1792, ce journal royaliste est l’organe principal de Joseph-François Michaud. Historien des croisades, ce dernier est d'abord républicain, puis devient royaliste par hostilité à la Convention. Ces revirements firent changer le journal de nom plusieurs fois durant la Révolution, l’Empire et la Restauration avant de retrouver, en 1814, son titre initial. En 1815, le journal devient la Feuille du jour.

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