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La République française, 3 septembre 1892

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La République française
3 septembre 1892


Extrait du journal

peu de soupe, l’autre un peu de pain. Le terrassier partageait entre sa femme et ses enfants, à la femme le moins possible, aux enfants un peu plus, et il ne gardait rien pour luimême ; il s’épuisait le plus vite en marchant tout le jour. Il avait, au bout de six semaines, trouvé enfin du travail à Essonnes, quand il fut incapable de remuer sa pelle et qu’il mourut. Alors chacun crie, court et se met sérieusement en quête d empêcher les trois survivants de faire comme leur mari et leur père. Ce dénoue ment est comme le coup de pistolet qui met tout le monde en l’air. La mère est portée à l’hôpital ; la muni cipalité se charge de subvenir aux besoins des enfants ; elle était dans l’ignorance la plus absolue de cette détresse silencieuse et cachée. Il a fallu la mort d'un homme pour dé chirer les voiles qui recouvraient cette misère affreuse et pour établir une relation tardive entre l’adminis tration de l’Assistance publique et ce ménage où la faim sévissait depuis quarante jours. On ne peut s’empêcher d’éprouver de l’indignation et de la colère con tre l’ignorance, contre la stupidité que tous et chacun ont montrée ici. I! n’y avait donc personne dans ce voisinage, cependant compatissant, pour prendre une initiative efficace, pour aller au bureau d’assistance, à la mairie, à la police, ou tout simple ment sur une place publique de Cor beil et pour crier par-dessus les bruits du marché, par dessus les toits et jusqu’au ciel : « Savez-vous qu’on meurt de faim chez nous ? » Personne ne savait rien. Mais il faut savoir. La société doit savoir ce qui se passe. N’est-elle pas assez puis samment organisée et outillée pour se rendre compte de l’état des choses dans ses divers compartiments ? La tête ne se justifie point si elle laisse, par ignorance du mal, périr le moindre des membres de son corps. Que font les bureaux de bien faisance, les mairies et les sociétés de charités privées, qui sont si nom breuses ? Chacun est censé connaître la loi et on le traite en conséquence. Mais la société légale doit connaître quand on meurt quelque part de faim chez elle. On n'est pas moins frappé de l’éiat d’ignorance et d'isolement dans le quel le terrassier de Corbeil devait être plongé. 11 n’avait pas de compa gnons, pas un ancien patron où s'adresser dans sa détresse ? Il ne faisait partie d'aucune société de secours mutuels, d’aucune assoniation ouvrière? A quoi servent donc les associations de travail leurs ? Il qe possédait pour soutien de son existènee que le plus primitif des métiers, dans un temps livré à toutes les vicissitudes, à toutes les révolutions de l’industrie. Le fléau meurtrier est l’ignorance, tou jours 1 ignorance ; la République est loin d’avoir terminé sa tâche d'en...

À propos

Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.

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