Extrait du journal
L'autre empereur se soustrait également au contact de ses sujets, mais ce n'est point pour obéir à des traditions séculaires. Si le sultan reste enfermé dans les somptueux appartements de Dolma-Bagtché, s’il ne marche qu’entouré d'une triple escorte de janissaires armés jusqu’aux dents si, du haut de son balcon, il fixe en silence, durant des heures, les eaux du Bosphore, c’est qu’il éprouve le besoin de se recueillir, c’est qu’il médite sur lui-même ; c’est qu’il sent passer dans ses veines un léger frisson, en pensant à l’avenir. Le Commandeur des croyants à mille raisons d’être perplexe. L'âge d’or a disparu. Le temps n'est plus où le sultan pou vait sortir dans les rues avec son grand vi zir Giafar et s’informer des besoins et des désirs de son peuple. 11 risquerait d’être égorgé au premier carrefour, par la main d’un Arménien ou d’un Turc. La ville s’il lumine encore, il est vrai, mais du feu des incendies ; on pille les banques, on se tue, on se massacre. Des cris de haine et de colère montent vers lui de toutes parts. Au moins, le pauvre monarque a-t-il, à ses côtés, quelques bons ministres, un conseiller fidèle et désintéressé ? Hélas ! son palais est le foyer de la délation et du men songe. Chaque fonctionnaire ne songe qu’à ruiner son voisin et qu’à s'enrichir soi-même. Et il n’a pas le droit de s’en plaindre, car il a contribué à fonder ces mœurs. 11 n'a pas toujours aimé la franchise et souvent son caprice a récompensé l'intrigue, au lieu de la punir. Les finances de l’Etat sont fort dé labrées, la population gémit sous le poids des impôts ; elle est horriblement pressurée, elle demande grâce ; et l’or qu'on lui arrache n’entre pas intégralement dans les caisses publiques. Abdui-Hamid gémit de ce gaspil lage. Mais n’en donne-t-il pas l’exemple? 11 dépense, pour sa seule maison, plus de deux cents millions de francs. Ses femmes lui coûtent soixante millions, ses cuisines trente millions, ses serviteurs vingt-cinq millions. 11 y a, dans son budget, un chapitre qui n’a l’air de rien, qui s’intitule modestement : Fantaisies diverses et qui se chiffre par trentedeux millions... Trente-deux millions dc fan taisies ! En vérité, sire, cela n'est point rai sonnable... Le Commandeur des croyants , accoudé sur sa blanche terrasse, réfléchit à longuement, profondément... Ainsi, là-bas, au fond de l'Asie, et ici, tout près de nous, à l’orient de l’Europe, deu* grands empereurs sont inquiets. L’un a à re douter les invasions, l’autre les dissensions intestines. Tous deux représentent le passé immuable, devant les forces renouvelées du progrès : ils sont débordés par le mouvement invincible de l’idée moderne. Plaignons, plaignons les deux empereurs ! Adolphe Brissoa....
À propos
Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.
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