Extrait du journal

— S’il m'aime encore, se dit-elle, il re connaîtra lui-même qu'il a eu tort de me traiter ainsi. Et s’il ne m’aime plus, oh '• alors, qu’importe tout cela ! Et son parti fut pris: froissée, d’ailleurs, du ton de la demande, irritée aussi contre cet art malencontreux qui allait lui com pliquer et lui troubler sa vie, elle résolut d’être sincère, même brutale, et, plus abso lue dans son verbe que dans ses senti ments intimes, regardant son mari bien en face, elle déclara d’une voix froide et nette : — Non ! Je n’aime pas la musique. — Ah vraiment ? Je m’en doutais. Eh bien ! vous êtes une malheureuse ! Quand on n’aime pas la musique, on n’épouse pas un musicien. Et il sortit en fermant les portes derrière lui, violemment. L’aiguille, sans trembler, poursuivait toujours l’œuvre mignarde à travers l'étoffe mince, mais les yeux s’étaient remplis de grosses larmes. Dans la chambre voisine, un petit cri de Claudine éveillée détourna l’attention de la mère, dériva son chagrin. Assise sur une chaise basse, elle tendit au bec rose le sein gonflé de lait. Heureuse et gorgée, l’enfant se rendor mit : Lucienne, l'avant gardée sur ses ge noux, dévotement le contemplait. — Oh ! comment ne nous aime-t-il pas davantage 1 songeait-elle. Sa femme ! son enfant ! Nous l’ennuyons. Pourquoi se soucie-t-il si peu de nous ? Il ne suffit donc pas d'aimer de tout son cœur? Toute ma vie, à moi, est renfermée ici. Et la sienne ? Dors, va ! Pauvre petite chatte ! Pleureras-tu aussi plus tard ? Courberas-...