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La République française, 10 novembre 1873

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La République française
10 novembre 1873


Extrait du journal

qu’on se soit laissé abuser? Un tel homme cependant devait être connu. Survient la crise fameuse du 24 mai. M. de Broglie dépose l’interpellation de la Droite. Il la défend à la tribune. Ceux qui l’ont vu ce jour là n’oublieront ja mais son attitude, son langage provoca teur : on sentait le joueur qui joue son va-tout. Il gagna la partie contre M. Thiers : grâce à qui ? Grâce à ces qua torze voix de M. Target, que personne ne s’attendait à voir en cette affaire. Voilà M. de Broglie premier mi nistre d’un chef de gouvernement qui affecte de se tenir en dehors de la po litique ; voilà M. de Broglie le maître. Le Président ne parle que d’après lui, il n’agit que d’après ses conseils. Il est au sommet de la toute-puissance. Nous al lons le voir à l’œuvre. C’est lui qui a la responsabilité principale, et il ne craint pas de la revendiquer.Les menées monar chiques commencent; les désavoue-t-il ? En aucune manière.Tout, au contraire, a l’air de se produire suivant un pro gramme tracé à l’avance et qu’il con naît dans tous ses détails. Une première fois il prend la parole à Evreux ; c’est pour masquer les trames qui s’ourdissent. Une seconde fois, à Neuville, il prononce un autre discours : c’est pour ranimer le courage des défaillants, pour déterminer les indécis, pour fixer les résolutions des hésitants. Les organes qu'il inspire sont acquis à l’œuvre entreprise ; les offices de publicité, l’agence Havas, le télégraphe, tout est mis à la disposition de la cause que M, de Broglie a embrassée. Cette cause succombe cependant, et tout est mis à nu. Que fait M. de Broglie ? Croyez-vous que, pénétré du sentiment de sa faute et de son insuffisance, il va se tenir en repos, battre en retraite? Ah! que vous le méconnaîtriez! M. de Broglie, qui n’avait pas craint d’engager la responsabilité du chef de l’Etat lui-même dans les intrigues dont il était complice ; M. de Broglie n’é tait pas homme à reculer devant les der nières extrémités. De concert avec ses amis du Centre droit, il transforme la restauration monarchique en projet de dictature décennale; il écrit le message du 3 novembre, et il le propose hardiment à la signature du président de la Républi que. Voilà ce qu’a fait M. le duc de Broglie ! Désormais, cet homme est connu ; il est jugé. Il n’y a plus de place pour lui dans la politique dirigeante du pays. Il a tenté une œuvre impossible et qui a périclité. II est bon, il est juste qu’il partage le sort de ces entreprises, qui ont si misérable ment avorté après avoir si vivement inquiété , alarmé la France. La respon sabilité ne saurait être un vain mot. Le pays attend que M. de Broglie soit et demeure chargé du poids de ses fautes. Rien de sérieux, rien de durable n’est à essayer en compagnie du chef du gouvernement de combat. Si politique est condamnée sans appel. Tous ceux qui le prendraient ou qui le garderaient com me auxiliaire ou collaborateur, encour raient les justes défiances de la nation....

À propos

Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.

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