Extrait du journal

heureuse, elle n’avait pu garder long temps le secret de son chagrin. Lucien avait quelque chose bien sûr ! Il l’avait écartée comme on écarte un être importun. Pourtant, elle n’était pas gênante ! Tout cet hiver sa fillette l’avait absorbée, trop absorbée, peut-être, et elle n’avait pas eu le temps d’importuner son mari ! C’est à. peine s’ils étaient allés cinq ou six fois dans le monde : Lucien ne faisait plus de visites avec elle depuis longtemps; il avait déclaré que les visi tes de jour l’ennuyaient; ce n’était pas étonnant, à dire vrai, et peu d’hommes en faisaient parmi les gens occupés; mais le résultat était quelle voyait trèspeu Lucien, si ce n’est aux repas... Elle s’arrêta là, craignant d’en avoir trop dit. Mme Orliet se garda bien d’en demander davantage et Annie la regarda furtivement à travers la brume qui cou vrait ses yeux. Quelle eût voulu se jeter au cou de sa mère comme autrefois et lui dire tous les vagues chagrins qui attristaient sa jeune âme ! Mais que lui dire? Ces chagrins n’existaient pas à proprement parler, c’étaient des appré hensions sans fondement, des craintes puériles ; et se plaindre de Lucien, n’é tait-ce pas le calomnier? Au fond, que pouvait-elle lui reprocher, sinon de l’avoir un peu brusquement envoyée à Mantes ? Et pour cela, il avait peut-être quelque bonne raison qu’elle ne pouvait pas don ner. Une idée terrible lui vint. Si c’était i,v* duel? Si Lucien, à ce bal dont il n’avait pas voulu lui parler, avait fait quelque rencontre fâcheuse, si une querelle en était résultée ? Elle se sentit pâlir à cette pensée, qui devint une véritable persécution. Inca pable de l’entretenir en silence devant sa mère, elle prétexta un grand mal de tête et alla se coucou.,...