Extrait du journal

ensemble : les chevaux et les chiens étaient sa seule passion ; le soir, sous la grande cheminée, il me racontait les his toires du vieux temps et s’efforçait dem'enseigner un peu de ce qu’il n’avait pas oublié. Je ne dirai pas que ce fut le plus beau temps de ma vie, mais que ce fut un temps heureux dont le sou venir m’est resté cher. Nous vivions com me deux oiseaux sur la branche, au jour le jour, sans nous soucier du reste du monde. Jamais je ne vis mon père se préoccu per de ses affaires. Il s’en rapportait, sans jamais rien contrôler, à son beaufrère, à cet oncle envers qui tout à l’heure on m’a reproche d’avoir été in grat. C’est lui qui touchait les fermages et nous apportait l’argent dont nous avions besoin. Parfois il demandait une signature qui lui était immédiatement accordée, sans qu’il eût à donner la moindre explication. Un soir, je ne l’oublierai jamais, ils eurent ensemble, une longue conversation de laquelle je fus exclu. De loin, j’entendis d’abord des éclats de voix, puis des plaintes et des gémissements. Quand je retrouvai mon père, il me sembla qu’il avait pleuré; je voulus l’interroger; mais, pour toute réponse, il m’attira vers lui, prit ma tête autre ses mains que je sentais trembler, et me regarda longtemps en murmurant : « Mon pauvre fils ! > De ce jour il cessa de chasser, vendit ses che vaux, ne garda que deux chiens favoris et s’occupa exclusivement de mon édu cation jusque là si négligée. Il avait du recevoir un coup bien cruel, car je le vis rapidement dépérir, et nous dûmes bientôt comprendre l’un et l’au tre que nous ne resterions pas long temps ensemble. Lorsque l'heure ter-...