Extrait du journal
ceux avec qui l’on a soutenu le gros de la lutte, pour obtenir l’appui et les voix de bon nombre de ceux contre lesquels on était engagé. Nous disons qu’il y a là une faute évidente. Nous ne voulons pas rechercher à nouveau qui l’a fait com mettre, mais il nous est impossible de ne pas dire qu’elle a été commise. Comment expliquer cette faute ? Nous ne le croyons pas difficile. On a voulu, une fois de plus, cette chimérique majo rité reposant sur l’union des centres après laquelle le gouvernement de M. le président de la République et M. Thiers lui-même courent, sans avoir jamais aucune chance sérieuse de l’atteindre. On y comptait peut-être avant-hier ; on peut voir aujourd’hui combien l’on se trompait. L’union des centres est une pure illusion, et le scrutin sur l’or dre du jour Mettetal est bien fait pour la dissiper. Ouvrira-1-on les yeux à la lumière? Nous voulons l’espé rer; mais nous ne sommes pas en me sure d’en répondre. Ce qui nous paraît certain en tout cas, c’est que les fameux projets constitutionnels dont on s’est tant entretenu depuis six semaines, ne peuvent, sérieusement être repris en comptant, pour les appuyer, sur une ma jorité fondée sur l’union des centres. A cet égard, notre opinion est faite, et nous croyons que cette opinion est en train de se faire dans l’esprit de quiconque observe froidement les faits parlemen taires. Nous ne voulons pas disconvenir qu’une pareille révélation ne soit de nature à causer quelque humeur a M. le président de la République. Mais l’hu meur, surtout la mauvaise humeur, n’est pas bonne conseillère en politique, et son expérience, sa lucidité d’esprit, la sagacité qu’il apporte dans l’appréciation des faits, nous autorisent à croire que déjà cette mauvaise humeur deM. Thiers s’est dissipée. M. le président de la République — s’il nous est permis de le dire — est un homme nouveau depuis le Message. M. Thiers vient d’apparaître à la France et à l’Europe sous les traits d’nn législateur, d’un fondateur de gouverne ment ; et ce n’est rien exagérer que d’affir mer que, sous cet aspect nouveau, M. Thiers vient de conquérir une popularité, d’acquérir un prestige qui lui permettent de se placer bien au-dessus de ces mes quines questions de majorité parlemen taire, bonnes tout au plus pour inquiéter quelque ministre chancelant, mais qui ne peuvent à aucun degré influer sur la conduite et les résolutions d’un homme d’Etat en qui tout un grand peuple a mis sa confiance. M. Thiers, en assumant avec la har diesse et la résolution qu’il y a mues la glorieuse tâche de fonder dans ce pays la République, s’est imposé à lui même les plus grands devoirs. Lo premier de ces devoirs, c’est de mener à bonne lin l’œuvre à laquelle il a convié la France : toute autre considération, de quelque ordre que ce soit, s’évanouit devant une telle obligation, si impé rieuse et si redoutable tout ensemble. M. Thiers est le chef de l’Etat. Il l’est légale ment, de par la charte Rivet, qui no lui permet pas de séparer son pouvoir des pouvoirs de l’Assemblée elle-même, puisqu’ils sont d’une égale durée. 11 l’est, si l’on peut dire, à un point de vue su périeur au point de vue de la tâche qu’il doit remplir et qui consiste à libérer le territoire et à fonder la République. Nous ne regardons pas comme possible que M. Thiers abdique. Il a trop le sen timent de ce qu’il doit au pays, de ce qu’il doit à l’Europe, de ce qui lui reste à faire pour « attirer, suivant ses pro pres expressions, sur ses derniers jours les regrets de ses concitoyens », pour mériter dans l’histoire de France la page qu’il a toujours ambitionnée. Ne pouvant abdiquer, M. Thiers doit se remettre au travail. Il s’y est déjà re mis, nous en avons l’assurance. Le tra vail n’attend pas que les crises se dé nouent, quand il s’agit d’aussi graves in térêts que ceux dont M. le président de la République est chargé. On oublie trop les Prussiens sur les bancs de la droite, où se trament tant et de si misérables complots parlementaires. M. Thiers, lui, ne les oublie pas. Il sait qu’il faut les payer; il sait aussi qu’il peut les payer, et qu’une fois notre libération parache vée, bien des difficultés seront aplanies Pour lui, tout l’objectif de sa politique doit être là, et non plus dans des intri gués de couloirs et de bureaux, où sa di gnité de chef d’Etat ne peut plus se trouver engagée, sans être compromise au grand dommage du pays. Que l’auteur du Message, de ce Mes sage qui a fait tout à coup à M. Thiers une si grande figure devant la France...
À propos
Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.
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