Extrait du journal

avec sa belle-mère et celle qu’il venait d’avoir avec son père n’avaient pas laissé un seul objet autour de lui où son regard ne se fût arrêté pendant qu’il ressentait une émotion douloureuse ou désagréable. — Je ne pourrai plus jamais travailler ici, se dit le jeune homme, quoi que je fasse ; ces murs me parleraient toujours de ce qui s’est passé ! D’ailleurs, puis qu’on me coupe les vivres, il faut que .je me cherche une installation moins somp tueuse, et il faut aussi que je tache de vendre un peu de peinture... J’ai trop vécu en amateur jusqu'ici... En attendant, comment vais-je faire pour vivre ? Le mari d’Annie n’avait pas une grande expérience des amitiés mondaines ; ce pendant. depuis un mois, il s’était initié à bien des petits côtés de cette vie singu lière où l’on tutoie aisément des gens qui ne se soucient pas de vous, qui vous aident à manger votre argent, se mo quent de vous si vous êtes économes et ne donneraient pas un patar pour vous sauver de la ruine. Aucun de ceux qu’il appelait ses amis ne lui prêterait plus de cinq louis, et en core ceux-ci à la condition exprimée ou sous-entendue que cet argent fût rendu au bout de quelques jours : or, Lucien ne pouvait prendre aucun engagement de ce genre. Le seul homme sur lequel il pût compter était Jalbrun, et il se décida à l’aller voir. Cette démarche lui coûtait beaucoup. Depuis le bai, il avait rencontré son ami tous les jours, et chaque fois il avait, de viné que celui-ci le désapprouvait com plètement. La nuance de blâme n'était perceptible que pour Lucien ; c'était une ironie si finement déguisée que personne ne pouvait s’en douter, mais la pointe aiguë d’un sarcarme intelligible pour lui seul n’en blessait pas moins le jeune artiste....