Extrait du journal

dise que vous prêchez avec autant d’éloquence qu’un pasteur de l’Eglise presbytérienne, je ne ferai aucune difficulté de le reconnaître. Coupables, criminels, eh ! sans doute, nous le sommes .ou, plutôt, c’est mol qui le suis tout le premier et cent fois plus que vous, car j’étais libre et vous ôtiez enchaînée. J’en conviens aussi : dans tous les contours de notre existence, il y a nécessité pour nous de faire de l’hypocrisie une règle. Tout cela est vrai, mais je n’ai qu’une réponse à vous faire : c’est là l’élément du pa radis et de l’enfer, de soufre et d’am broisie dans lequel nous vivons de puis plus d’un an et auquel nous nous sommes habitués. Sous ce rapport, le passé et le présent engagent l’avenir. A quoi nous servirait de cesser, puisque ce que nous avons fait est irrémissible et doit nous être compté aussi bien pour un jour que pour vingt ans ? Tout à l’heure vous parliez du monde. Est-ce que le monde pardonne jamais? Il ne fait grâce ni au repentir, ni au sacrifice, ni môme à la mort. Lorsque vous avez quitté Londres si brusquement, quand vous êtes venue ici pour échapper à votre amour, nous avons appris à la même heure que vous avez été noyée et sau vée. Sur une lettre d’un de vos servi teurs, le lord a cru à un accident. Moi, plus méfiant et plus intéressé que lui à votre conservation, j’ai craint une tentative de suicide. Evidemment, en vous jetant à l’eau, près des saules, vous cherchiez une sorte d’expiation. Savez-vous ce que le monde aurait dit. le lendemain, si vous fussiez morte ? Que vous alliez au-devant d’un arrêt de justice ! J’ajoute que si les survivants avaient pu met*tre un mot de flétrissure dans votre épitaphe, ils l’eussent mis. Ah ! ne parlez pas du monde ! Il ne vaut pas la peine qu’un être vivant le mêle...