Extrait du journal
Les complications extérieures aggravent les inquiétudes qu'ont fait naître chez tous les bons citoyens la diffusion des doctrines internationalistes et antimilitaristes. On sent qu’il ne s’agit plus de se payer de mots, et que peut-être demain nous réserve des émotions redoutables. On se tourne du côté de l’école, et on se demande quelles généra tions elle nous a préparées, comment elle a trempé les cœurs de notre jeunesse. Une polémique ardente et passionnée se poursuit entre M. Goblet et M. Buisson sur la Crise du patriotisme à l'école. Le seul fait qu’une polémique pareille a pu s’engager sur un pareil sujet prouve combien est profond le mal dont souffre notre pays. La raison et la vérité sont du côté de M. Goblet. Il n’y a Elus de distinguo, plus d’équivoque possile ; il faut être patriote tout uniment, sans phrase et sans réserve. « Si la France » se fait cosmopolite, dit Edgar Quinet, » elle sera la dupe de l’Europe. » Encore un pas, et la prédilection d’Edgar Quioet sera réalisée. Quelques instituteurs, obéissant à un senti ment généreux mal éclairé, ont commis des imprudences ; quelques autres, égarés par les doctrines démoralisantes de M. Hervé, ont prononcé des paroles et pris une attitude intolérable. Cela n’est plus contesté par per sonne ; de M. Clémenceau à M. Alfred Fouillée et à M. Albert Petit, tout le monde est d’accord sur ce point. Les adversaires de nos écoles laïques et ils sont encore nombreux — ont mené grand bruit autour de ces incidents, et s’en sont emparés pour ouvrir contre renseigm/ment public une campagne violente. D< s amis maladroits de nos écoles ont essayé de justifier des doctrines que rien ne peut ni justifier ni excuser et qui amèneraient à bref delai la chute de la République et la ruine totale du pays si elles n’étaient pas énergiquement combattues. Les vrais amis des instituteurs ont dit simplement la vé rité : à savoir que. l’internationalisme et l’antimilitarismir doivent être proscrits de l’école ; que les maîtres qui y ont adhéré représentent une infime minorité ; que l’im mense majorité du corps enseignant reste digne de sa haute mission, qu’elle est clair voyante, désintéressée, patriote au sens le plus noble du mot et fermement attachée à sont devoir. Je ce suis pas de ceux qui évitent d’abor der les sujets difficiles. J’ai, par mes décla rations et par mes actes, manifesté assez clairement ma pensée sur le pacifisme et l’internationalisme pour ne pas être suspect d’indulgence envers les disciples de M. Hervé. Mais il faut rendre à chacun son dû, et si on veut enrayer la contagion, il faut dégager toutes les causes qui lui ont permis de se propager si vite. Or, il est juste de dire que si les doctrines pernicieuses qui ont alarmé le pays ont pu faire des prosélytes parmi les membres de l’enseignement primaire, ce fut souvent la faute des chefs autant que celle des simples instituteurs. La plupart des instituteurs qui font de l’antimilitansme sont de très jeunes hommes. La fougue des vingt ans, de la phi lanthropie mal placée, des idées mal com prises, le désir de se singulariser et de faire un peu de bruit autour de soi peuvent expli quer ces erreurs. Mais les chefs, tous ceux 3ui ont pour mission de contrôler les actes e nos jeunes maîtres, de donner des con seils, et, quand les conseils échouent, de réprimer ce qui ne peut être toléré sans p^ril pour la discipline et pour le bien du pays, n’ont ils pas manqué de vigilance ? Et le gouvernement lui-même, à qui incombe l’œuvre si haute de l’éducation nationale, a-t-il fait tout son devoir ? J’ai connu une époque où toute atteinte à l’idée de patrie, toute injure au drapeau, toute excitation au mépris du devoir mili taire auraient été réprimées sur l’heure Depuis quelques années, il semble qu’il n’en est plus ainsi. Chacun paraît avoir pour unique préoccu pation d’éviter les incidents et de fuir les responsabilités. Le mot d’ordre est : « Lais sez faire, laissez passer. » Les chefs qui entendent et qui voient ne signalent pas toujours ce qu'ils voient et ce qu’ils enten dent, et s’il arrive qu’ils le signalent, il arrive aussi qu’en haut lieu on envoie dormir leurs rapports dans les cartons verts des archives, afin de ne pas s’exposer à des attaques de presse ou à des interpellations. Au Congrès de la Paix, à Nîmes, en iqo4, on a discuté le point de savoir si la désertion et le refus de porter les armes étaient dignes de blâme ou de louange, et on a voté l’ordre du jour suivant : « Le Congrès, admirant les actes de cou rage de ceux qui ne veulent pas porter les armes, et affirmant, d’autre part, le principe de l’égalité devant la loi, déclaré qu’il est incompétent pour indiquer une conduite quelconque dans les cas qui relèvent unique ment de la conscience individuelle. » Des instituteurs assistaient à ce Congrès. Les a-t-on avertis que leur place n’était pas dans des assemblées où on agite de sembla bles questions? M. Buisson était présent dira-t-on, et les couvrait. Il ne les couvrait nullement, puisqu’il répudie cet ordre du jour et déclare que tout Français « doit être prêt à partir au premier appel de son pays et à faire tout son devoir de soldat ». Et ceux qui ont imposé aux éditeurs l’obligation de rayer des livres scolaires les mots de patrie, de gloire, de drapeau, et d’arracher les ima§es qui représentent la mort de Bayard et es autres héros de l’épopée nationale n’ontils pas accompli leur œuvre en toute Iran quillité ; n’ont-ils pas substitué leurs manuels nouveau style aux anciens manuels civiques ? Tout cela témoigne d’une anarchie pro fonde ; mais l’anarchie des esprits, l’incerti...
À propos
Fondé en 1878, L’Avenir de la Mayenne est un quotidien régional publié à Laval, puis à Rennes. Il change de nom en 1932 pour devenir Le Républicain de la Mayenne avant de disparaître en 1942.
En savoir plus Données de classification - van den bogaert
- jaluzot
- cambon
- kouropatkine
- hervé
- guillaume ii
- van den bo
- deibler
- goblet
- buisson
- angleterre
- france
- londres
- portsmouth
- russie
- laval
- brest
- cowes
- dunkerque
- mandchourie
- la république
- bourse de commerce
- armée russe
- république française
- union postale
- société générale
- m.
- havas
- agence havas
- daily express