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Le Cafard muselé, 15 janvier 1918

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Le Cafard muselé
15 janvier 1918


Extrait du journal

Il y a quatre ans, c’était le temps de paix. Les couples ■d’amoureux folâtraient à leur guise. Les ombres des jardins leur étaient favorables. Sur les cours très passants, ils se cherchaient, se devinaient, se rencontraient. Tout cela se passait comme en-famille. Les.LacuItés avaient leurs oisifs; on faisait grâce aux étudiants frivoles. Les casernes sentaient te «cafard » ; on faisait grâce aux militaires trop galants. Le sexe exerçait ses attraits ; on faisait grâce au demi-monde. Quand des couples passaient, on les saluait d’un sourire un peu complice... « Il faut bien que jeunesse passe. » C’était le temps de paix. En ce temps-là, qui était aussi -celui des chimères paradoxales, on voulait vivre toujours plus libre dans un monde toujours meilleur, en s’amusant toujours davantage. Les moralisateurs auraient eu mauvaise grâce à ne pas emboîter le pas. On pensa donc de très bonne loi que l’homme deviendrait plus moral, sans se sentir gêné par les entraves de l’autorité, par un simple effort sur soimême. Il s’éduquerait librement. Sur certains points la législation devrait être réformée : elle est trop injuste à la femme. Les amoureux sont toujours deux. L’homme est complice de la femme. Comme elle, s’il y a lieu, il doit être puni. Cette doctrine est admirable. Mais en attendant que le séducteur soit puni, la séductrice ne saurait l’être. Liberté pour elle. Paix aux prostituées, tant que les hommes n’ont pas à rendre compte de leur dissipation. Nous attendons et mous souhaitons la loi qui doit appliquer un traitement égal à ceux qui se compromettent ensemble. En attendant, nous avons la guerre et le dévergondage bat son plein. On dirait qu’il s’est enlaidi; il s’étale comme une plaie honteuse à voir. Les amoureuses du trottoir s’imposent en maîtresses de la ville; elles donnent leurs rendez-vous dans les jardins où nos enfants jouent... Et s’il n’y avait que le dévergondage I Mais le mal vénérien s’est répandu avec la débauche. Il frappe sans répit et partout : il y a des victimes innocentes; il y a des victimes dans les familles; il y a des victimes dans l’armée et dans l’armée de nos alliés. „ Voilà les faits....

À propos

Le cafard muselé fut un journal des tranchées édité et imprimé à Bordeaux. Bimensuel, il parut tous les 1er et 15 du mois entre 1917 et 1919. Le journal était tiré sur près d’une quinzaine de pages et était orchestré par un directeur de rédaction signant « Le Gosse ». Il se revendiquait « organe du foyer du soldat », soit un espace de retraite dans les casernes et établissements militaires, sous le contrôle et avec l'agrément de l'autorité militaire, où les sous-officiers et les soldats trouvaient des livres, des jeux d'adresse ainsi que de quoi écrire.

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Données de classification
  • paris
  • la république
  • république française