Extrait du journal
Ayons horreur de ce qui n’est ni chair ni poisson, de la tiédeur mal définie ! Soyons « quelqu’un ». ' En mathématiques, on recherche toujours la plus simple expression, le diviseur, l’unité première pour comprendre l’ensemble ; en chimie, on analyse les substances pour connaître les corps simples et leurs propriétés, .dont elles sont constituées, et l’on s’efforce ensuite de synthétiser; en physique, on étudie les lois fondamentales de la nature, pour se servir dans la mesure du possible des forces qu’elles régissent; en philosophie, on dissèque la pensée dans le but de mieux la saisir et de l’ennoblir ; dans les arts, on concré tise l’âme pour la communiquer à d’autres ; partout, on s’attache au caractère propre des choses indivisibles formant les choses composées, mais en matière sociale on oublie trop souvent que les uns sont indispensables aux autres. Rien n’est digne de l’homme comme le développement de sa personnalité. Si l’égoïste a tort, ceux qui étouffent les individualités en faisant primer les généralités parce qu’elles représentent un ensemble de moyennes communes à tous, ont également tort. Il y a un danger incontestable pour la valeur de la collec tivité si, tout en ménageant les voies de tous, elle ne laisse pas “la plus grande liberté à l’initiative particulière, au développement de chacun, aux éléments mêmes dont elle se ' compose : les caractères premiers, indivisibles, conscients et responsables. Le collectivisme enraie fatalement l’intérêt personnel, car l’élan du dévouement désintéressé n’a qu’une durée limitée. L’homme cherche généralement à arriver à quelque chose pour lui-même, pour sa famille, pour l’honneur : c’est là qu’est le danger de l’individualisme sans le collectivisme. Et pourtant, on ne peut compter sur le même levier, sur le même développement d’énergie, lorsqu’il s’agit- pour l’indi1 vidu de disparaître dans une masse impersonnelle. Quand le danger menace, il est naturel de suivre l'instinct de conservation ; on pense d'abord à soi. Le dicton : «Aidetoi, Dieu t’aidera», reste vrai. La collectivité doit avoir pour rôle de soutenir celui qui travaille, dans tous les domaines, et de défendre sa liberté individuelle....
À propos
Le cafard muselé fut un journal des tranchées édité et imprimé à Bordeaux. Bimensuel, il parut tous les 1er et 15 du mois entre 1917 et 1919. Le journal était tiré sur près d’une quinzaine de pages et était orchestré par un directeur de rédaction signant « Le Gosse ». Il se revendiquait « organe du foyer du soldat », soit un espace de retraite dans les casernes et établissements militaires, sous le contrôle et avec l'agrément de l'autorité militaire, où les sous-officiers et les soldats trouvaient des livres, des jeux d'adresse ainsi que de quoi écrire.
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