Extrait du journal

Du piquet à l’écarté. De l’écarté aux dominos. Des dominos au loto. Le loto, c’est la colonne d’Hercule. On est tellement endormi qu’on ne se sent pas la force d’aller plus loin. Pourtant il n’est encore que huit heures et demie. Se coucher serait ridicule. Et la pendule s’obstine à marcher si lentement. C’est en ce moment qu’en dernier ressort le monarque et son confident se réfugient dans le jeu des protestations. — Del 11e, fait le roi. — S re ? — Je te proposerais bien une partie de billard en vingt secs, mais tu es plus fort que moi, et il est d’un mauvais exemple de voir un sujet gagner son prince. — Votre majesté a raison. — Il vaut donc mieux jouer un peu aux protestations. — Voilà une vraie idée, sire. — N’est-ce pas? Va chercher le papier à mon sceau et tout ce qui s’en suit. — Sire, par précaution, je l’avais apporté avec moi. •—Farceur !... A quel numéro en sommes-nous restés? — 4923. — Quel était le ton de ce dernier morceau : — Piaintif et langoureux. — Aujourd’hui pour changer nous nous essaierons à écrire sur le mode courroucé. Y es-tu? — J’y suis, sire. — En ce cas, allons-y 1 Et François se met à combiner avec del Re les phrases et périphrases de son cassetête napolitain. Oq reprend les argumens, on intervertit l’ordre des objections, on fait joujou en un mot. D x heures sonnent enfin. Sauvés ! En bâillant, on rentre les protestations qu’on expé diera le lendemain aux puissances, à seule fin de ne pas perdre le papier, et on va se coucher en se souhaitant une bonne nuit. Vous avez maintenant le secret des protestations de François 11. A sa place je préférerais probablement une partie de bezigue. Mais tous les goûts sont dans la nature, et il ne faut pas lui eu vouloir pour si peu ! Pierre Véron....