Extrait du journal
LA LISTE CIVILE A l’air harpagon, quand on ne la connaît pas; Mais c'est bien autre chose, quand on la connaît. La liste civile joue vraiment de malheur, dans les affaires d’argent. Certes, on ne peut pas douter de sa complète abnégation, de son parfait désintéressement, ni de son profond mépris pour les biens périssables de cette terre ; le témoignage de M. Persil, et le charitologue de la France nouvelle en font suffisamment foi. Et cependant, je ne sais pas comment les choses s’arraiv*gent ; mais dès qu’il s’agit d’une question d’écus , les appa rences sont toujours contraires à la liste civile ; et le rôle qu’elle semble y jouer, n’est jamais celui de la droite fran chise et .V l’entière probité. D’autres maisons de commerce , admini .trations domesti ques, etc., réalisent aussi parfois de gros bénéfices ; elles tien nent serrés les cordons de leur bourse, paraissent âpres au gain et sensibles à la perte ; de telle sorte qu’on pourrait, au premier abord, les soupçonner d’être possédées d’une passion un peu trop vive pour l’argent. Mais le lendemain, on les voit risquer des fonds dans des entreprises utiles, bien que hasardeuses ; donner de fortes sommes aux pauvres, payer noblement leurs créanciers; si bien qu’on est forcé de reve nir sur son premier jugement, et d’apprécier, comme sage économie, ce qu’on avait pris dabord pour de la cupidité. Chez la liste civile, au contraire , on n’aperçoit que le re vers de la médaille, sans jamais distinguer le beau côté. On la voit bien gagner gros, dépenser peu, sourire en recevant, rechigner en donnant, quand elle donne ; mais on ne la voit jamais racheter l’apparence de ces défauts par l’éclat des ver tus contraires ; ce qui ne veut pas dire qu’elle ne les rachète point, mais seulement qu’un fatal aveuglement nous em pêche de voir, quand elle les rachète. C’est au point que si l’on connaissait moins la liste civile, on serait tenté de la regarder comme la plus ladre, la plus cancre , la plus rapace qui soit au monde ; tandis qu’elle est, en réalité, la plus honnête liste civile du royaume. Je défie qu’on ose dire le contraire. Ceci ne peut donc s’expliquer que par une sorte de fatalité qui s’acharne contre la liste civile ; par une main de fer, ou plutôt d’argent qui s’appesantit incessamment sur elle. Soyez bien sûrs qu’elle est la première à gémir de ces malencon treux hasards ; mais malheureusement, en ce cas, comme en d’autres circonstances, elle ne peut que gémir. C’est dépi tant. Voyez plutôt ce qui est advenu relativement à la cession de biens qu’elle fut obligée de faire à la famille du roi, en août 1830. A cette époque, la liste civile, qui ne l’était pas encore, se dit à elle-même : « J’ai tout l’air d’être menacée de suffrage » unanime, quoiqu’il n’y paraisse guère jusqu’à présent ; et...
À propos
Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.
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