Extrait du journal

Du boulevard des Italiens, dimanche 4 décembre 1864. Monsieur le rédacteur, Voici la proclamation que j’adresse aux haussiers. Haussiers, Le jour où pour la première fois après tant de dé faites successives les légions romaines tinrent pied de vant les Carthaginois, Fabius Cunctator monta au Capi tole : — Allons, s’écria-t-il, rendre grâce aux dieux, non pas de ce que nous sommes vainqueurs, mais de ce que nous avons cessé d’être battus. Moi, je vous dis : Haussiers, Après cette liquidation, nous pouvons faire comme les Romains : suivez-moi donc au Capitole ? Le bras fantastique. Que faul-il en effet, monsieur le rédacteur, pour que de la défensive nous passions à l’olïènsive ? Un sourire de cette déesse que les anciens nommaient la Fortune et que les modernes appellent la veine. Il me semble que ce sourire commence à se montrer. Samedi en effet nous laissions la rente à 64 85 et le Mobilier à 883, et la semaine achevait sa course dans un accès de mélancolie. Au bras du bonhomme lundi, la jeune semaine s’est présentée à nous d’une façon accorte, d’un air de bonne humeur, et c’est d’un ton guil leret qu’elle a donné le signal de la réponse des primes. Alors les athlètes des deux camps se sont présentés et la lutte a commencé. La faiblesse de la clôture de la bourse qui a précédé la réponse des primes pouvait faire croire que le maré chal-général l’obtiendrait au gré de ses vœux. Assis sur une modeste chaise de paille, du côté gauche de la co lonnade, ses aides-de-camp se relayaient pour lui por ter des nouvelles de la bataille dont le résultat, après une lutte acharnée, a été de faire lever la plus grande partie des primes vendues dans le courant du mois. Les primes levées, il faut donc que les vendeurs se rachètent ; c’est ce qu’ils ont fait, à en juger par l’atti tude du marché après la réponse des primes. La fermeté était si marquée, les demandes si actives, même après la clôture du parquet, qu’on aurait du s’at tendre après cela à une bonne liquidation de la Rente. Le lendemain, en effet, le début était excellent ; les vendeurs paraissent vouloir se liquider ; pendant la pre mière heure on échange pas mal de rente et le report ne s’élève pas trop haut. Tout à coup les cours fléchissent, et au même instant, s’il faut en croire certaines personnes superstitieuses, un prodige terrible éclate. On voit, au milieu des ache teurs, surgir un bras gigantesque qui commence â la place Vendôme et qui finit à la Bourse même ; une main de plomb s’apesantit sur le marché et change en un instant la face de la liquidation qui de bonne de vient tout au plus médiocre. La liquidation finie, le bras se replie sur lui-même et disparait derrière une fenêtre de la place Vendôme. Comment M'explique une liailueination. Je ne crois pas aux miracles, et sans être le docteur Strauss je crois pouvoir expliquer celui-ci par une idée fixe qui s’est emparée de la Bourse. Cette idée fixe...