Extrait du journal

A M. ADOLPHE THIERS, DÉPUTÉ DE PARIS. Monsieur et illustre écrivain, Permettez à l’un des électeurs qui ont contribué dans la mesure de leurs humbles forces au succès de votre dernière candidature parlementaire, permettez, dis-je, à l’un de ces électeurs, soucieux de votre renommée comme de la sienne propre, de vous informer d’une machination odieuse ourdie en ce moment contre vous. La calomnie est l’allumette sur laquelle il faut mét ré le pied tout de suite, si l’on ne veut pas avoir bientôt affaire à un incendie. Mettons le pied, monsieur et illustre écrivain, mettons le pied bien vite, car il s’agit pour vous d’empêcher qu’on ne vous accuse plus longtemps d’avoir joué un double jeu et de montrer successivement au public deux visages comme Janus le mythologique. N’a-t-on pas en effet osé imprimer ces jours-ci, mon sieur, que votre intention, lors de la prochaine session du corps législatif, était de défendre à outrance le pou voir temporel. Gela au lendemain d’une encyclique qui rompt avec toutes les idées modernes. Gela alors qu’il n’est plus permis qu’aux défenseurs de toutes les oppressions de pactiser avec les principes du sacré-collège 1 J’ignore, monsieur et illustre écrivain, quel ennemi cruel a pu vous lancer ce trait perfide. Je ne sais de quelle officine cléricale est sorti ce can can cruel, mais ce que je sais c’est qu’il importe qu’au plus tôt vous lui infligiez un public démenti. Car voyez l’effet du mensonge, habilement propagé. Il y a déjà des gens, — et beaucoup, — qni prennent au sérieux ce canard diffamatoire. Pas plus tard même que ce matin un mien ami, libé ral ardent, est arrivé chez moi tout indigné : — As-tu lu le journal? — Sans doute. — Eh bien, et ton Thiers ! Je te le disais bien lorsque tu l’as nommé....