Extrait du journal
On leur a dit qu’une centaine de citoyens ont etc assom més sur la place de la Bourse.—Ils ont souri. On leur a dit que des femmes, des enfans ont ete fiappes ; que des domiciles ont été envahis par une meute furieuse, se ruant, non-seulement sur les curieux qui étaient venus y chercher un refuge, mais sur les maîtres de la maison, sur les domestiques, et jusque sur des personnes endormies.— Ils ont ri aux éclats. On leur a dit que des assommeurs se sont foulé le bras à force de frapper ; que des corps, gisant sur le pavé, ont etc traînés, par les galériens de la police, dans la fange des ruis seaux; et que les soldats, horrifiés de ces abominables auxi liaires, ont été parfois obligés de croiser sur eux la baïon nette, pour protéger l’agonie des victimes. — Ils ont ri jus qu’au i larmes. On leur a dit que des cadavres avaient été laissés dans la rue, sans que les assassins daignassent même s’occuper de les faire disparaître. Des citoyens les ont vus, les ont touchés du doigt ; et lorsqu’ils sont venus implorer l’aide des tueurs de la police, pour enlever du trottoir ces corps que les passans pouvaient heurter du pied , on leur a répondu : « Qu’est-ce que ça vous fait? Ça ne vous regarde pas! » —Les centres se sont tordus d’hilarité, se sont pâmés de joie. Les Polonais déportés ne leur avaient fait connaître, jus qu'à présent, que le gros rire, le rire bouffon. Les citoyens assommés leur ont révélé le rire épileptique. Mais hélas ! la joyeuse farce n’a duré qu'un jour , lien qu’un jour; jour bien rempli il est vrai, mais jour sans len demain. A la séance suivante, il a fallu reprendre le cours de ces arides travaux où il n’y a pas la plus légère proscription, pas le plus petit meurtre pour rire ; et qui, par suite, ne trou vent jamais la chambre en nombre suffisant. Tomber des attributions d’assommeurs dans les attributions municipa- “ les ! Quelle chute ! Il n’y a lien, là, pour former le cœur et l’esprit. Mais patience, nos dignes truands de la chambre basse ! . Parce que le rideau s’est baissé sur le drame, le spectacle n’est pas fini pour cela. Ce n’est qu’un entr’acte: attendez un peu. Je conçois que l’eau vous en vienne à la bouche ; mais il n’y a que patience à prendre, friands que vous êtes ! On ne vous a montré, jeudi, que des bras fracturés, des épaules noircies, et des yeux pochés. On vous a bien fait pressentir le meurtre ; mais vous avez pu croire le meurtre apocryphe. Aujourd’hui, ce ne sont plus des plaies que nous vous présentons. C’est un cadavre ; un cadavre bien réel, bien mort, bien cadavre ; un cadavre palpable, chaud enco re, et que M. d’Argout ne pourra pas galvaniser, comme l’au tre, pour vous faire rire, gros farceurs ! Ce cadavre était hier, rue Croix-des-Petits-Champs, n° 6. C’est celui de M. Lechevallier*, ouvrier tailleur, qui passait, dimanche, rue des Filles-St-Thoinas. Il tomba près de la Bourse, et put se relever, lui aussi, non pas pour jouer du...
À propos
Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.
En savoir plus Données de classification - lechevallier
- d'argout
- persil
- seguin
- jules
- tui
- pontrieux
- elbeuf