Extrait du journal

Et la grande revue que de deux à six passe le Corps Législatif continue à faire évoluer son bataillon de chiffres et manœuvrer toutes les questions de la po litique contemporaine. M. deMoustier parle, parle, parle (musique d’Offenbacli), non pas pour la Crète, mais contre la Crète et déclare avec candeur que cette province n’était pas plus mal gouvernée que toutes celles qui ont le triste honneur de composer l’empire turc. Pas plus mal, mais aussi mal. Les plus cruels enne mis de la Porte, qui se dit Sublime par antiphrase, n’auraient rien imaginé de plus cruel. Le sultan est notre ami, c’est convenu. Il est venu nous montrer l’an dernier ses habits chamarrés où tant d’or se relève en bosse, il offre cette année au prince Napoléon des kiosques meublés et des diners succulens. Mais tout cela n’empêche pas la vérité d’être la vérité et de se faire jour même dans le discours d’un ministre qui croit plaider pour le malade les circons tances atténuantes. Cette vérité est que la Turquie est le pendant de la fameuse tour de Babel. Tout y est confusion : à côté d’un peuple rongé par la misère, un sultan qui porte des montres d’un million et se commande des tables et des surtouts de cinq à dix millions. Et les Crétois ne se déclarent pas fiers et heureux d’être Turcs en pensant à la vaisselle plate de leur em pereur! Ingrats Crétois! Et ils se révoltent, ce qui est toujours damnable, au dire de M. de Moustier, ennemi juré des révolutions. M. de Moustier voudra bien faire sans doute une petite exception en faveur de celle qui porte la date de 1789 et dont les principes sont inscrits en tête de la Constitution qu’il représente ? Que voulez-vous? Sur le damier politique, la Russie joue Crète, nous sommes forcés de jouer Turquie. Tant pis pour les nationalités ! La diplomatie a une partie à gagner....