Extrait du journal
NOUVELLE RECETTE POUR HÉRITER avec bénéfice, mais sans inventaire; Suivie de la maniéré de s’en servir. 11 y a plusieurs manières d’hériter des gens,sans compter la manière, naguère inventée, par voie de suicide involontaire. Vous avez à hériter , par exemple, d’un homme qui n’a que des biens et pas de dettes.En ce cas, rien de plus simple. Vous prenez. Vous avez à hériter d’un homme qui n’a que des dettes et pas de biens, ltien de plus simple encore. Vous répudiez. Jusqu’à présent, pour cesdeux espèces, on n’a pas pu trou ver de marche plus naturelle, de procédure moins compli quée. La liste civile elle-même ne saurait comment s’y pren dre, pour y introduire la plus légère amélioration. Mais si, par hasard, l’homme dont il vous faut hériter, pos sédait à la fois beaucoup de biens et beaucoup de dettes, à tel point qu’il soit difficile de distinguer du premier coupd’ceil, lequel l’emporte des biens sur les dettes, ou des dettes sur les biens ; alors naît pour vous un véritable embarras ; car si vous acceptez, vous courez risque d’avoir sur les bras un excédent de dettes ; et si vous répudiez, vous vous exposez à perdre un excédant de biens. Ce qu’on a trouvé de mieux pour parer à ces deux inconvéniens, c’est l’héritage sous bénéfice d’inventaire ; héritage qui vous attribue un rôle passif, une mission de liquidateur, et vous laisse en expectative, sauf à prendre , s'il y a surplus de valeurs, sans être tenu d’ajouter, s’il y a déficit. Cet te|, ce n’est déjà pas trop mal en faveur de l’héritier, que cette chance exclusive de gain ; et pourtant ce n’est pas ce qu’il peut y avoir de mieux. Il était réservé à la liste ci vile, à celte capacité si compétente en fait de bénéfices, d’y découvrir un notable perfectionnement. « Le droit d’hérédité, a pensé la liste civile, est, au dire de beaucoup, le plus sacré de tous les droits. L’inté) êl de l’héri tier doit dès lors passer avant tous les autres intérêts. Si donc, il y a un actif quelconque dans une succession, l’héri tier doit commencer par le prendre, sauf aux créanciers à perdre le passif ou à se le faire payer par d’autres, si c’est possible. C’est aux créanciers de perdre plutôt qu’à l’héritier, sans quoi le droit d’hérédité ne serait pas le plus sacré de tous les droits. » La liste civile a bientôt trouvé l’occasion d’appliquer ces principes novateurs. En asseyant le nouveau roi sur les cous sins encore chauds du trône de Charles X, le vœu national de MM. Viennet, Mahul, Fulchiron et Dubois (dont on fait les flûtes) lui avait permis de prendre ce qui faisait partie du domaine de l’ex-roi. Il semblait naturel que la liste civile, nantie du gage , acquittât les charges qui le grevaient. C’é tait conforme à la raison et au droit public. Mais la liste ci vile a-t-elle jamais commis quelque chose de conforme au droit et à la raison ? Elle a bien mieux aimé tenter un essai de son nouveau...
À propos
Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.
En savoir plus Données de classification - de schonen
- charles x
- fulchiron
- mahul
- viennet
- dubois
- napoléon