Extrait du journal

Une situation qui n’est vraiment pas rose , c’est la situation de la Roumanie. Placée entre le mar teau et l’enclume, elle ne peut se désintéresser d’une lutte où elle a peut-être tout à perdre, où elle n’a, à coup sûr, rien à gagner. Quelle démonstra tion de l’absurdité de la guerre et aussi de sa féro cité ! Non seulement elle voue aux massacres ceux qui sont directement engagés , mais encore elle en traîne malgré eux dans le carnage ceux qui vou draient rester neutres. Si encore on était sûr de pouvoir circonscrire la lutte dans les limites qui en verront le commence ment. Mais que d’incertitudes et d’angoisses ! Aussi les plus vagues symptômes sont-ils recher chés avec avidité. En voici un pourtant auquel il ne nous semble pas qu’on ait donné toute l’attention dont il était digne : le chargé d’affaires de Constantinople contie, en quittant la ville, au chargé d’affaires d’Alle magne, le soin de protéger l’intérêt et la vie des su jets russes qui continueront à résider en Turquie. N’est-ce pas là un indice significatif de l’attitude que l’Allemagne compte prendre; n’est-ce pas la preuve qu’elle a assuré la Russie de ses sympathies? Une alliance germano-russe est donc dans les probabilités pour le cas où l’incendie gagnerait du terrain et embraserait l’Europe. La chose vaut la peine d’être méditée. Les journaux cléricaux annoncent que M. Habille, évêque de Versailles, est tombé gravement malade à Rome, où il est en pèlerinage. Nous tonnons sincèrement des vœux pour son rétablissement, mais nous remarquerons, une fois de plus, que les organes du fanatisme ont tort de jouer delà mort comme ils en jouent toujours, et de chercher à en taire un moyen de propagande. Ils publient de temps à autre des brochures, où ils énumèrent avec amour le décès des libres-pen seurs, en s’écriant d’un air guilleret : — Vous voyez ! c’est la Providence qui les frappe pour les châtier. Voilà M. Habille, un des évêques les mieux notés dans Pultramontanisme, qui, en allant à Rome, entreprend un de ces voyages qui passent pour être spécialement agréables à la Providence, et pour le remercier de son dérangement, cette Providence lui envoie une fièvre tout ce qu’il y a de plus maligne. Vous avouerez que si ce sont là les exemples de protection divine que les cléricaux ont à mettre en avant pour édifier les crédules, il est à craindre que les plus naïfs ne legimbent et ne demandent des explications au bon Dieu. La protestation de la Société des Amis de la paix est pétrie de bonnes intentions. Mais il paraît qu’elle n’a pas reçu, en Russie, l’accueil qu’elle semblait attendre. Franchement, c’était à prévoir ; car cette protes tation candide le prenait vraiment sur un bien drôle...